Petite interrogation rapide avant d’entrer dans le vif du sujet, à main levée : qui a toujours cru que les séries japonaises, c’était ça ?
Ooku, l’autre série où le roi aime bien cuisser de la courtisane.
Ce n’est que partiellement vrai, en fait. Si effectivement les Japonais (et leurs voisins les Chinois et les Coréens, d’ailleurs) ont un goût pour la saga historique, largement abandonnée sous nos latitudes (à l’exception de quelques Tudors par-ci par-là), ce n’est pas le seul genre qui apporterait à votre consommation de séries un assaisonnement nouveau. Et si vous n’avez pratiqué jusque là que la fiction occidentale, vous pourriez bien découvrir un nouveau régime alimentaire…Voici donc une liste non exhaustive de genres télévisuels que les séries japonaises empruntent fréquemment, voire massivement, et que vous ne trouverez pourtant que de façon très marginale chez les Américains, les Anglais, et autres visages pâles.
La recette : Boy meets Girl, mais Boy ne conclura pas avec Girl avant une bonne dizaine d’épisodes. Existe aussi en version Girl meets Boy.
Les ingrédients : telle est la recette immuable, depuis 10 à 15 ans, qui remporte le plus grand succès auprès des spectateurs occidentaux : les deux amoureux qui n’ont rien en commun, mais qui vont finir ensemble tout de même. La comédie romantique est certainement ce qui s’exporte le mieux, et c’est assez naturel : elle ne repose sur aucune particularité culturelle infranchissable, et le public ado en raffole, donc…
Suggestion de présentation :
– Ryoukiteki na Kanojo
– Boku Dake no Madonna
– Proposal Daisakusen
La recette : Hiro est vraiment nul(le) au sport, mais à force de se donner à fond, on pourra en faire un(e) champion(ne)…
Les ingrédients : le Japon a une longue tradition de séries sur le sport ; l’histoire d’amour (encore une) remonte aux JO de Tokyo, qui avaient motivé un élan formidable vis-à-vis de certains sports où les Japonais avaient su se faire remarquer (plus quelques autres, sinon ça fait peu). Où est la poule, où est l’œuf ? Ce genre télévisuel est très alimenté par le genre de manga correspondant : de nombreuses adaptations fleurissent chaque année. Football, volleyball, tennis, basketball… mais aussi évidemment le sport national, le baseball, personne n’y échappe et c’est à se demander s’il existe encore un sport qui n’a pas été porté sur le petit écran. Le bobsleigh, éventuellement ? L’avantage de la série sportive c’est qu’elle motive des valeurs purement nippones : goût de l’effort (le fameux couplet du « si tu fais de ton mieux, tu pourras réaliser tes rêves »), sentiment d’appartenance au groupe (il y a toujours un opposant « étranger » pour tenter de ravir la médaille au héros, et une équipe dont il faut se faire aimer/respecter), espoir (même le plus nul de l’équipe peut arriver à quelque chose)…
Suggestion de présentation :
– 1 Pound no Fukuin (boxe)
– Buzzer Beat (basket)
– Ace wo Nerae! (tennis)
Buzzer Beat ou le mythe du bon à rien qui va réussir à la fin.
3 – Les déboires domestiques
La recette : la famille c’est pas de la tarte… tiens, si je leur en cuisinais une ?
Les ingrédients : au Japon, la relation Endora/Jean-Pierre a toujours suscité des vocations, et dés les débuts de la télévision japonaise, l’exploration des petites zones de turbulence en famille, c’est quasiment un sport national (encore !). Mais il est vrai qu’au Japon, la famille, c’est sacré, donc forcément, on a besoin d’en rire. Aussi n’est-il pas tellement surprenant que ce thème soit présent dans de nombreuses séries, même si le genre est moins employé qu’il y a deux décennies. Les belles-mères, les beaux-frères et belles-sœurs, les enfants cachés… tout y passe, et on n’a pas attendu Brothers & Sisters pour se mettre à table et laver le linge sale en famille, sur le ton de la comédie, ou en tous cas sans prise de tête.
Suggestion de présentation :
– Oishii Gohan
– Tsubasa
– Seigi no Mikata
4 – Le drame larmoyant
La recette : il reste 12 épisodes à vivre à l’héroïne. Variante : un drame horrrrrible se produit et on a 12 épisodes pour affronter puis accepter ce coup du sort.
Les ingrédients : aux États-Unis, on réserve ce genre pitch à Lifetime pour ses téléfilms (qu’on retrouve ensuite sur M6 et TF1 dans l’après-midi). Au Japon, quand on tient une histoire à faire pleurer un sumo, on ne s’en débarrasse pas en à peine 1h30. Noooon, on appuie bien où ça fait mal, pendant une douzaine d’épisodes minimum. Avec une forte propension à passer une bonne partie de ce temps à l’hôpital, dans le coma par exemple, ou infirme, c’est bien aussi infirme. Dans ce cas-là, le pathos est à son maximum, mais en parvenant à n’avoir pas (trop) l’air d’en faire des tonnes. Le drame humain, c’est même l’un des terrains où les dorama sont les plus doués…
Suggestion de présentation :
– 1 Rittoru no Namida
– Kaze no Garden
– Aishiteru ~Kaiyou~
Pleurer devant 1 Rittoru no Namida, un sport national ?
5 – Le matage pour pervers
La recette : vente flash sur les mouchoirs en papier.
Les ingrédients : en Occident, l’érotisme, on prend ça très au sérieux. Si bien que ce n’est plus érotique du tout. Au Japon, on aime bien se marrer tout en salissant les draps. C’est que les Japonais, c’est connu, sont de sacrés fripons, et si des décolletés plongeants, voire quelques petites culottes, peuvent s’en mêler… eh bien la séculaire politesse nippone nous apprend que ça ne se fait pas de refuser. Nostalgiques de Nicky Larson, vous serez gâtés ! Car souvent ces séries oeuvrent sous le couvert d’un humour, bon, pas très fin, je vous l’accorde… mais en tous cas décomplexé.
Suggestion de présentation :
– Shimokita GLORY DAYS
– Cupid no Itazura
– Saru Lock
6 – L’initiation professionnelle
La recette : Hiro entre dans la vie professionnelle, mais n’est vraiment pas fait(e) pour ce job… et pourtant.
Les ingrédients : sur le principe on est très proche de la série sportive. Avec un plus non-négligeable : travailler dur, c’est quand même plus utile à la société que la satisfaction de réaliser son rêve d’être champion de volley de l’archipel. Hôtesse de l’air, restaurateur, avocate, toiletteur pour chien (euh, attendez, pas encore vu de toiletteur, mais ça ne saurait tarder), tout le monde est logé à la même enseigne : un dur métier à assimiler, entrer dans l’âge adulte en même temps que dans la profession, et si possible, un joli uniforme à porter, parce que ça donne un sentiment d’appartenance à la société. Et puis c’est bien seyant, aussi.
Suggestion de présentation :
– Attention Please
– Hokaben
– Real Clothes
Ce qui est magique, c’est que rien n’interdit, bien au contraire, de mélanger deux genres. Le sportif qui tombe amoureux, le drame larmoyant en vase familial clos… C’est aussi ce qui donne l’impression que les fictions japonaises sont abonnées à la romance sirupeuse : quand on peut glisser un couple improbable quelque part, on ne s’en prive pas !
HR, le sitcom japonais. Oui, au singulier.
…Et puis, il y a les genres que justement, la fiction japonaise n’exploite pas. Pas envie, que voulez-vous : ça ne se contrôle pas. Oh, si, une fois de temps en temps, ça arrive ! Évidemment. Mais c’est loin d’être une tendance. Bref, pour les amateurs des genres télévisuels suivants, ce sera régime sec.
Le sitcom :
Tourner une comédie en plateau, devant un public, les Japonais c’est pas trop leur tasse de thé. Tenez-vous bien : le premier sitcom japonais date quand même de 2002… et il n’y en a pas eu des masses depuis lors (personnellement, je n’ai trouvé la trace que d’une seconde tentative, qui fait partie des nouveautés de l’automne 2009). Le problème c’est avant tout que les sitcoms réussis reposent sur les dialogues, et que les Japonais n’ont pas le goût de la réplique taillée au cordeau, la télévision japonaise ne mettant jamais le scénariste ou le dialoguiste au cœur de son système.
La science-fiction :
Alors qu’étrangement, les séries animées se déroulant dans l’espace n’ont jamais été un problème, le Japon renâcle à tourner le moindre space opera. Le genre semble confiné à l’animation, peut-être pour s’éviter le coût des effets spéciaux, puisqu’il est vrai que les rythmes de tournage laissent assez peu de temps pour avoir recours à de la post-production. L’industrie japonaise a plutôt recours au fantastique qu’au paranormal, préférant les dons divers (télépathie, télékinésie…) aux sabres laser.
La série judiciaire :
Bien qu’on trouve des avocats dans quelques séries, voire même qu’on en fasse le sujet d’un dorama de temps à autres, il apparait que jamais une série ne s’attachera à montrer un procès de bout en bout, et encore moins plusieurs procès. Là encore, l’une des raisons en est que cela demande une précision d’écriture qui dépasse largement ce qu’une chaîne demande à ses scénaristes, mais c’est aussi culturel puisqu’évidemment, le Japon est un pays largement moins procédurier que les États-Unis.
Voilà, en fait, une bonne raison de varier votre alimentation télévisuelle : il faut manger un peu de tout, en quantités déraisonnables ! Ce que l’Occident ne fait pas ou plus, vous le trouverez ailleurs, et inversement.
Maintenant que tout le monde a l’eau à la bouche, je vous suggère donc de passer à table, et de vous aventurer dans le tag Japon pour y découvrir les séries citées, et les autres…
Article également publié sur SeriesLive.com.