Je me souviens qu’il y a un an de ça, je vous vantais les mérites de Brothers & Sisters, découverte avec un peu de retard au motif que je raffole des familles dont on suit les évolutions sur plusieurs années. D’où mon régal à enchaîner première, puis seconde, puis troisième saison en quelques semaines. Il est vrai que j’ai interrompu le visionnage de la saison 3 (rappel des faits : avec l’hiver 2008-2009, j’ai pris ABC en grippe à cause de l’affaire Pushing Daisies) et je n’ai pas regardé de nouvel épisode depuis quelques mois maintenant, mais une autre série a ravivé mon intérêt sur le sujet, depuis, et je me suis dit que j’allais accorder quelques lignes de plus à ce phénomène.
La raison de mon intérêt pour les histoires de familles est probablement à chercher bien au-delà de ma seule téléphagie.
Mais une chose est sûre, ses manifestations aujourd’hui dépassent elles aussi très largement les quatre coins de mon écran de télévision. Par exemple lorsque je joue au Sims, l’un de mes modes de jeu favori est de créer d’immense arbres généalogiques, si possible s’entrecoupant avec d’autres immenses arbres généalogiques. Plus anciennement, quand ma soeur et moi étions petites, et que nous jouions à la poupée (on a été élevées comme des filles, que voulez-vous que je vous dise… mais ceci n’est presque pas un post sur le déterminisme), nous créions souvent une famille nombreuse, et tout l’enjeu était de savoir qui des filles (jouées par Skipper 1, Skipper 2, etc…) se marierait et aurait à son tour des enfants la première (d’autant que le nombre de Ken était limité). Adolescente, je lisais L’Esprit de Famille goulûment, attendant qu’une des soeurs ait des enfants, créant ainsi des ramifications avec la famille de protagonistes masculins encore inconnus 1 tome plus tôt (Janine Boissard m’ayant offert ce que Louisa May Alcott m’avait refusé). Bref, voir une famille se développer sur plusieurs générations, ça me fascine. Plus il y a de pièces rapportées, plus j’exulte.
On comprendra mieux comment j’ai réussi à accomplir le tour de force de regarder plusieurs saisons de 7 à la Maison (la gamme d’âge des enfants Camden permettant une sensation de renouvellement des générations et pièces rapportées quasi infinie), et comme Brothers & Sisters a capturé mon cœur, donc (avec d’autant plus de force que les intrigues sont largement meilleures).
Sauf que le weekend dernier, en finissant l’ultime épisode d’un dorama japonais, j’ai réalisé que cette passion pour les arbres généalogiques à rallonge avait sans doute contaminer ma façon de regarder des séries où une famille est au centre des attentions scénaristiques (vous avez jusqu’à la fin du paragraphe pour trouver de laquelle je parle ; elle a déjà eu droit à un post sur ce blog ces dernières semaines). C’est d’ailleurs fou comme un bon dorama remet bien les choses en places après des années de formatage occidental.
Oishii Gohan sacrifie à un certain nombre de passages obligés, c’est sûr. Si vous vous souvenez bien, je n’ai jamais crié au génie, après tout. Mais la série développe des personnages si attachants que le spectateur occidental (c’est moi, ça) ne peut s’empêcher de commencer à former des projets d’avenir. D’ailleurs, le scénario nous y encourage une fois ou deux en lançant quelques hameçons habiles. Mais le fait est qu’à l’avant-dernier épisode, il devient clair qu’Oishii Gohan prépare ses adieux. Voir à pas oublier qu’il s’agit d’un dorama ici ! Huit épisodes et puis s’en vont, et pas de Piemaker en vue pour une petite résurrection des familles.
Si dans le cas d’autres intrigues, je peux sans problème accepter cette particularité locale, sous l’angle de cette famille adorable, c’est plus difficile d’admettre que la série n’aura jamais qu’une durée de vie limitée.
Oishii Gohan a en plus le charmant vice d’employer des flashbacks et des outils de datation (musicaux notamment) pour créer rapidement à la famille Kasugai un passé vieux de 10, 15, 20 ou même 25 ans. De sorte qu’on a l’impression (bien-sûr erronée) d’avoir déjà passé beaucoup de temps avec cette famille.
Pour autant, une série familiale n’est pas obligée d’être une saga à rallonge. Oishii Gohan, dans son format 8 x 45 mn, a eu le temps de beaucoup dire sur la famille Kasugai, et sur la famille tout court. Le twist de l’épisode final est à cet égard très parlant (et je me suis laissée avoir comme un bleu, je le reconnais). Je suis ressortie de l’expérience de ce final, outre la larme à l’œil (mais je l’ai dit, j’ai été élevée comme une fille), assez transformée. Comme si certaines œillères avaient disparu.
Bien des auteurs occidentaux, finalement, gagneraient à apprendre du nombre de singularités que le dorama peut avoir. Pour bien décrire la vie d’une famille sur le long terme, nul besoin de jouir soi-même de temps.
Certes, en raison de mes habitudes et préférences, j’ai ressenti un certaine frustration à abandonner Tae, Kaede et les autres. Mais j’ai aussi l’impression d’avoir appris quelque chose.
Passez un mois sous le signe de la fiction japonaise, et remplacez avantageusement n’importe quelle cure détox…