Profit à la japonaise

3 septembre 2009 à 1:43

Ce que j’aime, quand j’ai une période de boulimie comme celle que j’expérimente en ce moment, c’est que dans le flot quasi-continu de nouveautés qui m’arrivent chaque jour, il y a des surprises qui sortent du lot comme ça, sans que j’aie rien demandé. Moi, j’ai juste pioché un peu au hasard, et les merveilles surgissent sans prévenir, c’est merveilleux d’être téléphage.
Par exemple je cagoule le pilote de Koishite Akuma et… brrr, non, mauvais exemple. Je reprends : je cagoule le pilote de Zeni Geba, le genre de titre qui même à moi ne parle pas du tout, et je tente, et une heure plus tard, je suis sur le c*l.
Oui, la téléphagie, c’est magique comme ça. En une heure, vous pouvez avoir le coup de foudre.

Pourtant pendant les 10 premières minutes, j’étais assez circonspecte. Pas déçue, car l’ambiance sombre et désolante m’avait déjà conquise, mais en tous cas je me demandais sérieusement ce que je faisais là. Il faut dire qu’en-dehors d’un ouvrier muet et l’impression d’assister à un Germinal asiatique, il n’y avait pas grand’chose à voir ni à penser des débuts du pilote. Le scénario fait preuve du même mutisme que Futarou, le personnage principal, et on ne comprend pas très bien où on a atterri.

On commence mieux à cerner les choses lorsque les flashbacks commencent, prenant largement plus de sens que les scènes du présent. Et plus le contexte prend du sens, plus le sang se glace. On comprend que ce petit ouvrier, il a l’air renfermé, mais en réalité il est bien pire : il est complètement cassé.

En apparence complètement larmoyante, le pilote devient vite une histoire d’horreur moderne.
Futarou a grandi dans une maison où il n’y avait pas d’argent (ou plutôt le peu qu’il y avait était bu par son père), et c’est cette absence d’argent qui fait de lui un oprhelin de mère par la suite. Mais plutôt que nous la jouer Dickens plein de pathos, genre Innocent Love, Zeni Geba est une histoire de haine, de revanche et de rage. Futarou ne va pas faire de son mieux pour être heureux malgré tout et avec le sourire, non c’est pas le genre de la maison ; il va devenir un animal assoiffé d’argent. Il ne veut pas vivre dans le luxe, il veut juste avoir de l’argent. Il est prêt à tout pour ça, même à tuer… et plus l’épisode avance plus on voit à quel point.

Il est possible que Zeni Geba m’ait fait hurler d’horreur parce que je suis, comme beaucoup d’entre nous, terrifiée à l’idée d’être pauvre. Parce que quand on a vécu avec quelques euros (pas quelques dizaines d’euros) par mois, on connaît cette angoisse, elle s’inscrit dans la chair. Je ne pouvais même pas vraiment reprocher à Futarou d’être un tel monstre. Mais c’est aussi en cela que l’histoire est terrifiante. Quand j’ai découvert Profit, il y a de ça 8 ans environ, je me trouvais avec effroi quelques points communs avec Jim (mais je ne couche pas avec ma belle-mère… d’un autre côté mes parents n’ayant pas encore divorcé, il est vrai que je n’ai pas encore de belle-mère), et j’ai un peu ressenti la même attirance familière avec Futarou, à mon grand désespoir.

Je pense que la comparaison avec Profit, à ce stade, n’est pas galvaudée. Si vous étiez téléphage dans les années 90, ou si vous vous êtes montré curieux depuis, vous verrez que les deux séries présentent des similarités assez incroyables, sans pourtant que l’une soit la redite de l’autre. Jim Profit veut contrôler Grace & Gracen pour prendre une revanche sur sa vie de misère, lorsqu’il vivait dans un carton estampillé de leur logo, et Futarou veut avoir sa place dans l’entreprise Mikuni, parce que c’est symboliquement cette famille qui l’a rendu à la fois heureux et malheureux jadis.

L’histoire d’un homme profondément atteint par son passé et l’histoire d’une entreprise florissante se mélangent, et on ne peut pas vraiment en vouloir à l’homme de chercher à prendre le contrôle de l’entreprise dans ces conditions. Moi en tous cas je ne peux pas. Je ne peux pas me dire que la fin ne justifie pas les moyens. Et c’est une expérience d’autant plus horrible que de regarder ce pilote en se disant que oui, si les circonstances étaient les mêmes, je ne serais pas un meilleur être humain. Est-ce que j’aurais le choix ? Je ne suis pas sûre que Futarou ait le choix. Il a développé une névrose due à l’accumulation de chocs psychologiques dans son enfance, je ne vois pas comment il pourrait croire, comme la plupart des personnages japonais, que tout va s’arranger si on travaille dur et qu’on fait contre mauvaise fortune bon coeur. Je préfère un Futarou irrationnel à tous les menteurs des autres séries où on surmonte l’adversité avec des risettes. Même si ça fait mal de penser une chose pareille…

Et pour ceux qui manquent cruellement, si cruellement de culture : la fiche Zeni Geba de SeriesLive.

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