Ecran au-dessus

2 août 2009 à 23:32

Il y a quelques semaines de ça, j’ai écrit un petit article sur l’impact qu’a l’usage d’internet sur la vie d’un amateur de Jmusic. Sur sa passion. Étrangement, pas tellement sur sa consommation, sans doute parce que je reconnais que sans internet, on ne peut vraiment écouter de la Jmusic dans des proportions correctes. Mais du coup, ça m’a poussée à réfléchir à nouveau à l’impact de ce média sur notre condition de téléphage, et il est assez évident à mes yeux, à tort ou à raison d’ailleurs, qu’internet n’est QUE positif pour le téléphage, quand pour le Jfan son apport me semble plus ambigu.

Déjà, internet encourage le téléphage à la curiosité. C’est un point qui, comme vous le savez, m’est cher. Et je pense que c’est l’atout majeur d’internet en téléphagie : on y ouvre des portes sur un couloir de possibilités quasi-infini. Plus on peut y trouver de choses, plus on en regarde. On s’extrait du carcan imposé par les diffuseurs ou les distributeurs, et on navigue à son gré. Pourvu d’être habile et dynamique, on peut trouver quasiment tout, à commencer par des informations, et à partir de ces informations, si on le souhaite, on peut trouver les séries elles-mêmes. Séries dont on a tout lieu d’ignorer l’existence mais qu’importe, puisque des sites nous donnent les clés pour y remédier. On clique, on clique, et on clique encore, et en 5 à 10mn, vous avez une nouvelle découverte qui vous tend les bras. Et comme on s’habitue très vite à tous ces outils, on ne conçoit plus de faire autrement : cliquer pour faire une nouvelle rencontre télévisuelle.

Internet encourage aussi le téléphage à sortir de la passivité… s’il s’y est jamais trouvé. Le téléphage connecté à internet est au couch potato ce que l’homme de l’âge de fer est à l’homme de l’âge de pierre. On a évolué (mais on n’a pas de plan…). On va à la recherche des news, des spoilers, des résumés, des discussions, ou des blogs… On va à la rencontre de la nouveauté. Rappelez-vous à quoi ressemblait l’arrivée d’une nouvelle saison télévisuelle quand vous n’aviez pas encore internet : vous attendiez que ça arrive de notre côté de l’Atlantique, et en fait, la plupart du temps, vous n’aviez aucun moyen de surveiller ce qui allait arriver ou non. Vous subissiez l’actualité. A présent, on a le choix d’aller au-devant de la nouveauté, ou non. On peut même faire bien mieux que ça puisqu’en amont, on a la possibilité de lire les news sur l’achat d’un projet, la constitution de son casting, la création des grilles de rentrée, les trailers qui sont distillés avant qu’elle ne commence… Sans compter tous les téléphages qui s’investissent dans un site, un blog, un podcast, qu’importe, toute autre initiative, et qui vivent leur passion sans la subir. Magique.

Et puis, internet encourage le téléphage à l’analyse, la réflexion. Parce que, la conséquence des deux premiers points, c’est que devant l’afflux d’informations entrantes et sortantes, le téléphage doit bien faire le tri. Quelles séries va-t-il (plus ou moins) décider d’écarter de sa consommation ? Le temps fait défaut et, il faut se rendre à l’évidence, on ne pourra jamais TOUT voir. Quelles informations choisit-il de ne pas lire, selon ses préférences envers les annonces de castings, les spoilers, les reviews épisode par épisode…? Quelles informations, à son bout de la chaîne, va-t-il répercuter à son propre lectorat téléphagique ? Le média, par sa nature, oblige à sortir un message, et donc à réfléchir. Qu’ai-je pensé de tel épisode ? Quelle série n’ai-je pas choisi de regarder et pourquoi ? On ne peut décemment pas être partout, il faut donc hiérarchiser les priorités.

Le téléphage qui prend possession d’internet se fait aussi éduquer par lui. Internet fait évoluer le téléphage, et entame pour les mieux disposés une mutation de la consommation, de la réceptivité et de la capacité d’analyse.

Lors de la préparation d’un autre post (qui en est à sa 4e réécriture, c’est vous dire les chances que vous avez de le lire dans un avenir proche !), je me suis aperçue que je ne vivais ma téléphagie avec satisfaction que depuis que j’avais deux écrans pour l’arpenter en long, en large et en travers. Seulement l’un, ou seulement l’autre, ça ne fonctionnerait pas, ou plus, en tous cas pas aussi bien. « Mais comment je faisais avant ?! » est une remarque que je me fais de façon récurrente. Certes, avec internet en ma possession (et non pas juste en ma connexion, nuance), je vis aujourd’hui dans un monde d’immédiateté, où il me faut tout, tout de suite, pare que je sais que dans 90% des cas, c’est possible à condition d’utiliser le bon enchaînement de recherche, d’exploration et de surveillance de mon réseau personnel. Et cela ne manque pas de se montrer frustrant dans le cas des 10% restants ! Mais de loin en loin, avoir pour seul outil téléphagique ma télévision m’apparait comme un défi désormais impossible à relever.

Cependant, plusieurs raisons font que la télévision (l’objet) reste encore un impératif de mon équipement. Et vu ce que ça coûte aujourd’hui, ça fait un peu mal quand je m’assieds.
D’abord, sur le plan de la téléphagie en elle-même : si je ne parle ici quasiment que de séries (bien qu’en quelques occasions je m’autorise des parenthèses sur les films, les téléfilms, ou les émissions de divertissement), il n’en reste pas moins que le terme de téléphage a sciemment été choisi par votre serviteur. C’est bien la télé dans son ensemble que j’avale goulument ! Il ne me viendrait pas à l’idée de me priver de documentaires, de débats, ou encore de publicités. J’ai besoin de cette pluralité, et je sais qu’elle ne serait pas la même si je devais systématiquement passer par le cagoulage pour l’intégralité de ma consommation télévisuelle.
Il y a l’effet de surprise, aussi, intimement imbriqué dans ma téléphagie. Cet épisode qu’on n’aurait pas fait la démarche de regarder s’il n’avait été diffusé ce soir-là, ou cette rediffusion que vous avez tout de même tenté alors qu’elle se situe au beau milieu d’une saison, mais parce que l’épisode s’avère bon…
Et puis évidemment, l’une des raisons pour lesquelles je garde ma télé, c’est l’affect. Quoi qu’on dise, ce n’est jamais innocent de regarder la télé sur la télé, cela participe d’une démarche. C’est ma télévision, quand je l’allume, c’est un moment que je prends, que je passe avec moi-même et l’émission concernée. Et puis, la consommation téléphagique sur internet donne une indépendance certaine, mais justement, elle fait aussi vivre hors du temps. Je regarde ce que je veux quand je veux, mais je le regarde toute seule (comme par exemple quand je regarde le pilote d’une vieille série et/ou d’une série méconnue). Dans l’acte de regarder la télévision et pas juste son contenu, il y a une sorte de communion sociale : je regarde en même temps que X milliers, ou millions, de téléspectateurs, qu’une partie se trouve dans mon salon ou pas. J’ai en effet toujours trouvé qu’il était d’ailleurs plus difficile de regarder du contenu téléphagique avec des proches sur un ordinateur, on perd en convivialité.
Tout ironique que ça puisse paraître, quand je regarde la télé, je sors aussi du monde. A force de pratiquer internet pour mes centres d’intérêt et mes passions, j’ai développé un certains nombre de réflexes. Souvent, je les trouve bien utiles, mais parfois je me dis qu’ils ont transformé ma consommation eux aussi. Par exemple, au beau milieu d’un épisode, quelque chose me chagrine et j’ouvre un onglet de mon navigateur pour avoir le cœur net (syndrome du « mais où je l’ai vu, lui ?! »). Quand un mail apparait dans le coin de mon écran, je fais un raid sur ma boîte mail pendant un temps mort de l’intrigue. Regarder la télé, c’est justement se couper d’internet, me consacrer à ce que je regarde, prendre le temps, prendre du recul. Sortir du royaume de l’immédiat.

Le téléphage d’aujourd’hui ne peut vraiment s’épanouir sans internet.
L’un ne va plus sans l’autre : contre qui râler si on ne subit plus les diffusions télé ? Et où râler à propos des dites diffusions si on n’a pas internet ?

Sortes de yin et de yang téléphagiques, ces deux écrans se complètent, se reflètent mutuellement, forment un tout, assurent un équilibre. Et encombrent votre salon, mais on n’a rien sans rien…

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Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

2 commentaires

  1. akito dit :

    Je pense exactement la même chose, on n’entretient pas du tout la même relation avec l’écran de la télé, une télé c’est « sacré », même si on ne fait qu’y brancher la sortie TV de la carte graphique, on se pose, on éteint l’écran de l’ordi, et terminés les clics intempestifs pour vérifier je ne sais quoi pendant le visionnage… Ça fait du bien. Cela dit j’avoue avoir de plus en plus de mal à allumer ma télé.

  2. Nakayomi dit :

    Jamais ô grand jamais je ne clique au cours d’un visionnage. Bon, faut dire que moi, l’écran télé me sert à tout visionner ou presque (et que l’ordi n’y est pas relié). J’y vais après, pour le coup du « où je l’ai vu çui-là ? ».

    Au niveau des exceptions notables, la catch-up qui est une bonne solution de repli (surtout quand SpieZ est diffusé à n’importe quelle heure d’une semaine sur l’autre sans que l’on sache vraiment quand ! )

    Par contre, je regarde rarement les rediffusions à la télé. Je ne suis pas contre, mais dans la plupart des cas, je choisis quand, comment et quoi… J’aime découvrir de l’inédit à la télé. Ou tomber sur une série sur laquelle je ne me serais pas arrêté si… Ben si j’étais pas tombé dessus par hasard et que quelque chose m’a fait resté.

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