Le problème avec le sexe – Tome 2

11 mai 2009 à 16:57

Mais bien-sûr que si, j’ai un problème avec le sexe. J’ai beau prétendre le contraire, c’est quand même le cas. Par périodes, je fais comme si de rien n’était, mais le fait est que j’ai un problème avec le sexe.

J’ai un problème parce qu’en-dehors de mes blagues salaces, je ne pense jamais au sexe. J’ai un problème parce que quand je n’ai personne dans ma vie, le sexe ne me manque quasiment pas. J’ai un problème parce que quand j’ai quelqu’un dans ma vie, le sexe reste au second voire troisième plan. J’ai un problème parce que je n’aime pas le sexe seule (je m’y suis mise à l’âge canonique de 23 ans et n’y suis revenue que très très rarement ensuite). J’ai un problème parce que je juge systématiquement les gens qui se font des plans d’une nuit. J’ai un problème parce que je ne conçois pas le sexe sans amour, ou au moins quelque chose d’approchant.

A 18 ans, je voulais rester vierge jusqu’au mariage, y compris de moi-même. Ce n’était pas religieux, c’était une simple question de peur de ne pas pouvoir assumer la conséquence de mes actes. Et puis effectivement, les conséquences de mes actes n’ont pas été faciles à assumer, d’ailleurs. Mais à 19 ans, mes bonnes résolutions étaient tombées. Mais je pense que j’en ai toujours gardé quelque chose…

Quand j’ai eu mon premier petit ami, le soir au téléphone, nous discutions des heures, et de fil en aiguille, nous finissions par nous dire ce que nous ferions si nous étions ensemble. Pour moi, ça ne prêtait pas à conséquence. C’était comme de « jouer », mais avec un second joueur dans la partie. J’ai su bien plus tard que s’il raccrochait juste après, ces soirs-là, c’est parce qu’il s’était tripoté au téléphone pendant qu’on parlait. S’il ne me l’avait pas dit, je ne l’aurais jamais deviné. Et j’ai été choquée un long moment avant de me dire que, pour un jeune garçon de 17 ans, ce n’était pas très étonnant.

Quand plusieurs années plus tard, nous avons emménagé ensemble, ça me rendait folle qu’il se masturbe dans la douche, sans moi. La vie sexuelle, je ne la concevais pas autrement qu’à deux. Quitte à parfois ne pas la concevoir du tout quand le coeur n’y était pas. J’avais l’impression de trop souvent me refuser à lui, et quand il finissait par me faire savoir que, hein, ça faisait X semaines, je sacrifiais au « devoir conjugal » de peur qu’il ne se réfugie sous la douche. L’un n’empêchait hélas pas l’autre. Je n’ai jamais compris cette façon de faire.

Quand G et moi faisions connaissance, il me disait parfois qu’il avait rêvé de moi, des rêves érotiques (une chose qui m’est quasiment inconnue d’ailleurs), et j’étais ennuyée parce que, dans le fond, je n’avais pas demandé à y être, moi ! C’était comme si j’avais dans son esprit une vie sexuelle que je ne voulais pas avoir (pas alors). Je me sentais souillée. J’avais beau savoir qu’il n’y pouvait rien, et que, même s’il y avait pu quelque chose, je n’avais pas le droit d’interdir à son imagination de galoper, je ne trouvais pas ça très correct de m’embarquer dans pareilles aventures sans mon consentement.

Combien de fois m’a-t-on demandé quels étaient mes fantasmes… et je n’en avais pas ! Je me creusais, je me creusais… je tentais de trouver quelque chose, mais ce n’était pas sexuel, c’était, en fait, plus souvent émotionnel qu’autre chose.

Mon éducation sexuelle, ironiquement, c’est G qui me l’a donnée, alors que lui n’en avait aucune, simplement parce qu’avec lui j’ai repris les choses à zéro, et appris pas à pas les bases. Et sur la fin, si je n’avais pas eu l’esprit encombré par tout un tas d’autres soucis, je pense qu’on s’en serait donnés à coeur joie. Il m’avait ouvert des horizons, m’avait révélé des choses pourtant simples, m’avait permis, aussi, de fermer la porte sur certaines choses qu’il ne me forçait jamais à faire, même si cela devait lui donner des regrets. Avec lui, les choses étaient finalement plus saines. Le weekend final a été sans doute l’une de mes plus grandes révélations.
Mais quand il est parti, qu’ai-je fait de ces horizons ouverts ? Rien. Je n’ai jamais cherché à le remplacer. Pas même « pour l’hygiène », comme dit ma copine. M’en fous. J’ai refermé tout ce qui était ouvert, et puis c’est tout. Même quand ça allait mieux, même quand ça va mieux, finalement, les quelques révélations qu’il m’a apportées n’auront pas servi à grand’chose.

Encore aujourd’hui, même après m’être décoincée sur pas mal de choses, m’être affirmée sur d’autres, et connaître plus précisément mes envies et mes limites, je reste quand même assez distante vis-à-vis de cette part de ma vie. Ce n’est sans doute pas très « normal » au sens strict, mais tout de même relativement compréhensible quand on voit que je me laisse submerger par d’autres aspects de mon existence. Les loisirs, le travail, la dépression : ils sont sur mon podium des préoccupations. Le sexe finit toujours en fin de peloton…
Sans doute aussi que mon éveil tardif à la question n’y est pas étranger. Je n’ai pas eu l’impression d’être élevée dans un milieu où le sujet était tabou (ma mère ne me racontait-elle pas cet aspect de sa vie quand j’étais plus jeune ?), il n’y avait aucun motif religieux là-dessous, mais les choses se sont faites très lentement, voilà tout. Et sont toujours en cours de développement, finalement.

Ce matin… ce matin je me suis réveillée dans un état qui m’est quasiment inconnu. Ca a dû m’arriver, quoi, deux ou peut-être trois fois dans toute ma vie. Je pense que d’en avoir parlé avec T il y a quelques jours avait dû un peu me travailler, si j’ose dire. A travers le rideau, le ciel s’éclaircissait à peine, un peu comme mon esprit encore embrumé.
Alors ce matin, je me suis autorisée. Juste cette fois. D’habitude je ne me permets pas d’aller si loin, et surtout pas en pensant à quelqu’un de précis.

Et quand le ciel a été vraiment clair et moi aussi, j’ai pensé : « je suis désolée ».
Cet homme-là n’a jamais voulu que je pense à lui de cette façon. Il est entré dans ma vie avec un tout autre objectif et n’a fait que s’y tenir, sans rien demander d’autre. Alors ce n’est pas juste de l’embarquer là-dedans. Ce n’est tellement pas juste de le traiter en objet, même une fois tous les cent ans. Ce n’est pas juste ce que je fais, quand je ne ressens rien pour personne, de combler artificiellement mon vide avec des hommes que je choisis volontairement parce qu’inacessibles. Et ce ne serait pas tellement mieux de les piocher dans mon entourage, de toutes façons. C’est comme si je leur enlevais un peu de leur dignité juste parce qu’une fois de temps en temps, je suis faible.

Je suis tellement désolée d’être humaine à ce point-là. Si tu savais (et tu ne sauras jamais), je suis tellement désolée de t’utiliser comme ça.
Ces matins-là, juste ceux-là, je voudrais avoir encore 18 ans dans ma tête, et avoir conservé un semblant de pureté quelque part en moi, qui me permette de ne pas toucher à la dignité d’un autre simplement parce que je n’ai pas su contrôler une impulsion.

Eh oui lady, parfois, être humaine, c’est devoir l’être avec les inconvénients. Tu ne pourras jamais être un pur esprit, résigne-toi.

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1 commentaire

  1. G dit :

    Le fantasme est quelque chose de virtuel que l’on peut (donc, pas toujours) vouloir concrétiser. On ne vole donc rien à autrui, en fantasmant. Ce n’est pas une réalité volée, c’est une construction d’une irréalité à partir de parts de la réalité. Quand il s’agit de fantasmes alors que les êtres ne se sont jamais rencontrés irl, on peut alors considérer que c’est une pulsion virtuelle basée sur des éléments virtuels.

    Quoi de mal, au juste? Note que je ne pose pas la question en jugeant. Est-ce que ça ôte toute liberté à autrui ? Certes, il y a des fantasmes qui, s’ils ne sont pas relativement partagés (au sens ici de l’envie l’un de l’autre), il est préférable de ne pas révéler que l’on a « pensé » ainsi à quelqu’un. Sauf si l’on a des visées concernant la concrétisation, justement.

    Encore une fois, chacun a le droit.. Le chemin de la sexualité est de toute façon, je trouve, plus long que les autres, peu importe l’âge où l’on commence d’ailleurs.. Car il s’agit de relier esprit et corps. Oui: ceux qui ne font cela qu’avec le corps, ne se connaissent pas encore assez pour prétendre avoir commencé à connaître leur sexualité. Tandis que, je trouve, tu es sur une voie peut être plus perturbante, mais au moins, tu désires qu’esprit et corps (ainsi que coeur) soient ensemble lors de actes.

    Tu es pleinement humaine, n’est-ce pas le mieux, en fait?

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