Miroirs obscurs, et pas qu’un peu

3 février 2009 à 19:41

Je le pressentais déjà en voyant le pilote, je le devinais déjà en voyant le deuxième épisode il y a des années de ça, mais c’est devenu criant cet après-midi, au 7e épisode : Christopher Titus s’est servi de la série qui porte son nom pour revenir sur les blessures du passé. Eh, qui suis-je pour juger ? Je ne vais pas lui jeter la pierre pour se servir d’un média à des fins thérapeutiques
Je crois que c’est ce que j’aime chez Titus, et ce que j’aime d’ailleurs aussi chez Rude Awakening : il ne s’agit pas juste de rire de ce qui n’est pas drôle en réalité, il s’agit de trouver la force de rire de ce qui a fait mal, et de s’en soigner. Quand une série prend une telle valeur, dépassant le stade de l’autobriographie pour entrer dans le domaine de la thérapie, c’est là qu’on commence à toucher à ce qui fait aussi que la télévision sait être un peu plus que du divertissement.

N’importe qui peut rire des coucheries d’une actrice ivrogne qui a raté sa carrière. Et puis un jour on comprend que ce n’est pas écrit par hasard, et que Claudia Lonow sait exactement de quoi elle parle. Elle sait en rire parce qu’elle a su en pleurer. En fait on n’a pas eu besoin de lire des tonnes d’articles et d’interviews pour le savoir, ça semblait évident rien qu’en regardant la série. Les lectures ultérieures ne feront que confirmer. A demi-mot… mais il n’y avait pas besoin de plus.
Quand Christopher Titus, l’acteur et auteur, écrit un épisode où la mère de Christopher Titus, le personnage, fait ses excuses à son fils pour tout le mal qu’elle lui a fait en raison de son instabilité mentale, il n’y a même pas besoin d’aller vérifier si effectivement la mère de l’acteur a passé du temps en hôpital psychiatrique, ça se sent, il émane une telle intensité et une telle sincérité de cette scène que nul n’est besoin d’aller vérifier. Mais si on le fait, on s’aperçoit qu’en effet, c’est vrai. Et on prend toute la mesure de ce qu’on voit épisode après épisode.

Certaines séries ont de la profondeur parce que par la fiction, elles évoquent quelque chose d’universel, et Oz, par exemple, est de celles-là. Et puis certaines séries ont de la profondeur parce que, par la fiction, elle évoquent quelque chose de personnel, et certes ça les rend peut-être moins accessibles au grand public, mais elles n’en sont pas moins extrêmement puissantes.

Quelque part, c’est trop facile d’utiliser des personnages entièrement fictifs pour explorer des réalités qui ne concernent personne en particulier. On regarde New York Unité Spéciale en sachant que les histoires sont plus ou moins adaptées de faits réels, mais on sait aussi que ceux qui écrivent ne sont pas ceux qui ont enduré ces choses atroces, que personne n’est réellement concerné dans le staff de la série, et ça permet certes de prendre du recul, mais ça distancie parfois aussi un peu trop… C’est aussi comme ça que certaines séries s’autorisent des dérapages hallucinants et des sauts de requins à ne plus savoir qu’en faire. Soudainement, Derek Morgan et son sourire adamantin vous sortent une histoire d’abus sexuel sur mineur et on n’y croit pas une seconde. Alors qu’une partie de ces choses sont vraies. Elles sont vraies quelque part, pour de vrai, malheureusement il y a vraiment des enfants à qui ça arrive, mais là on sait que ce n’est pas vrai, on le ressent au plus profond de soi et on se dit que Criminal Minds ne sait plus quoi inventer pour nous surprendre. N’a jamais su.

Mais quand on regarde ces fictions, on sent immédiatement ce qu’ils ont d’autobiographique, et une vraie connexion s’établit instantanément.

Billie Frank se regarde dans le miroir en se demandant ce qu’elle est devenue, et ce qu’elle va faire de sa vie. Elle voit le choix qui s’ouvre à elle, entre sombrer plus profond encore et donner un coup de talon pour remonter au moins un peu, et c’est vrai, il n’y a pas à en douter. Et même si les répliques sont drôles, on sent aussi ce qu’elles ont de réel. Et c’est là que la fiction est transcendée. On ne regarde pas juste une histoire. On vient de pénétrer l’intimité de quelqu’un. On regarde une confession. C’est romancé, mais c’est vrai.

Si j’aime autant qu’une série me parle de choses atroces, c’est bien pour qu’elle me renvoie à certaines choses qui me sont vraies. Alors je crois que c’est aussi pour ça que j’accroche sur des séries comme Titus ou Rude Awakening, parce que je sens qu’elles renvoient à la réalité de quelqu’un d’autre. Et qu’elles permettent de prendre ce fameux recul si nécessaire d’une part, mais qu’elles me plongent aussi le nez dedans, dans ce qui a été une épreuve, pour quelqu’un d’autre, à l’autre bout de la planète, et soudain on fait plus que regarder la télévision. Parce que quelqu’un, à l’autre bout, a bien voulu écrire plus que de la simple télévision.

C’est aussi pour ça que nous sommes plus que de simples spectateurs. Nous n’avons pas les yeux carrés devant l’écran parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Non, nous sommes téléphages parce que parfois, on nous donne cette opportunité d’aller plus loin. Notre passion prend du sens parce que parfois, on nous donne le droit de devenir des introspectateurs.

par

, , , , , ,

Pin It

Et pour ceux qui manquent cruellement de lecture…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

This site uses Akismet to reduce spam. Learn how your comment data is processed.