Merci

4 novembre 2008 à 14:12

Criminal Minds est une série avec des tonnes de défauts. Tiens, pour commencer, cette série n’a vu le jour sur CBS que par pur opportunisme. Et puis, tout dans sa construction crie son conformisme, du cast au scénario, en passant par son univers visuel et sonore.
Mais cette série a une qualité : elle n’hésite pas à parler de la perversité humaine. Et ceux qui me connaissent savent à quel point cet aspect est sans prix à mes yeux.

Il y a quelques semaines (et j’ai un témoin), je suis tombée par hasard sur un épisode carrément glacial. Deux hommes avaient été, dans leur enfance, maltraités dans leur famille d’accueil, et commettaient des atrocités ensemble depuis lors. Vers la fin de l’épisode, l’un d’entre eux prenait en otage un adolescent vivant encore dans la famille d’accueil qui les avait traumatisés, mais étonnamment, il le laissait partir sans problème quelques instants plus tard. Il lui avait en fait procuré une arme et comptait sur l’ado pour devenir lui aussi violent, et pour le venger de sa mère d’accueil. Mais le gamin n’avait pas tiré sur la mère d’accueil, juste sur les photos, dans le salon, qui donnaient l’illusion que les enfants étaient heureux (« les photos mentent »)… L’ado n’était pas devenu un monstre à son tour ; mais ce n’était qu’un des enfants de la maison. Et les autres ?
L’épisode m’a beaucoup plu, mais je n’ai pas cherché à suivre la série pour autant. Je sais depuis un bout de temps maintenant que sa qualité ne compensera jamais pour tous ses défauts et que je ne peux vraiment pas m’y accrocher. Je le sais depuis le pilote, et ce n’est pas parce qu’une fois de temps en temps, un épisode est bon, que je tombe dans le panneau.

Hier j’avais prévu de me coucher tôt. Mais j’avais les idées noires et, finalement, après m’être tournée et retournée dans mon lit, pleuré un peu aussi, je me suis résolue à faire ce que je finis toujours par faire dans ces cas-là : allumer la télé, m’investir dans une autre histoire que la mienne, prendre 45mn de pause avec moi-même. Je suis tombée précisément au moment du pré-générique de Criminal Minds, alors que l’équipe venait de découvrir un DVD tourné par un sadique tandis qu’il violait une victime, et comprenait qu’un complice filmait la scène.
Je me suis laissée faire, sans me débattre, et j’ai accepté de suivre l’enquête. C’est tout ce que je voulais : quelque chose de pas trop gentillet. Surtout pas.

Mais plus l’épisode avançait, et plus je me suis aperçue que j’allais obtenir bien plus que ce que je n’étais venue chercher, et l’histoire a trouvé une résonnance imprévue en moi. Ce qui m’a plu, c’est que j’ai tout de suite su que le dominant était derrière, et non devant la caméra. Ce qui m’a plu, c’est qu’en la voyant, j’ai tout de suite su que c’était l’épouse la plus perverse. Ce qui m’a plu, c’est que je me suis sentie en terrain connu.
Et finalement Criminal Minds m’a donné ce que je n’étais pas venue chercher, mais dont j’avais bel et bien besoin hier soir : un moyen d’écluser ma peine et ma rancoeur sans avoir à les occulter. De faire l’expérience, de façon extrême et fictive, certes, mais émotionnellement vraie, de ce qui me hante, et de ressentir de l’apaisement.

C’est ça que j’attends de la télévision. Que sa main sorte de l’écran, vienne fouiller mes entrailles, attrape mon coeur palpitant, me l’arrache d’un coup sec et n’y laisse que le calme. Qu’elle me renvoie en moi-même par la fiction, et qu’elle apaise mon trouble en usant d’hyperboles et de métaphores.

C’est ce que je venais chercher en SPACE 2063 il y a 10 ans, ce que je suis venue chercher auprès d’Oz ensuite, ce que je viens chercher chez New York Unité Spéciale chaque semaine : une dose d’horreur véritable, la folie humaine à l’état pur, un moment où l’on regarde les protagonistes avec un haut-le-coeur épouvanté parce qu’on sait qu’ils ont quelque chose de profondément réel, un instant où l’on souffre jusqu’à la moëlle de ce que l’on voit, où l’on prend la mesure de ce que sont les hommes.
Et puis où ça s’arrête.
On s’est fait peur, on s’est fait mal, on a remué la mélasse tout au fond de soi, et puis on sort de là, à la fois meurtri et guéri. De petites scarifications pour l’âme…

Je regarde pas mal de comédies en ce moment, vous le savez, mais cette dimension tragique reste mon shoot de téléphagie favori. Celui qui s’adresse vraiment et profondément à moi. Ce pour quoi j’ai signé. Celui que je n’ai pas oublié, et qui dit que je n’ai pas oublié, non plus. C’est ma façon à moi de vivre ma téléphagie, intimement.

Une fois l’épisode fini, je n’ai plus eu qu’à éteindre l’écran, me retrouver dans le silence et dans le noir, fermer les yeux et m’endormir, libérée.

Merci.

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1 commentaire

  1. freescully dit :

    Ah parce que tu peux dormir après des horreurs pareilles???? J’adore aussi ce genre de plongée dans les tréfonds de la bassesse humaine mais avant de m’endormir, sûrement pas, d’ailleurs je ne dors pas et je passe une demi-heure à vérifier que tout est bien fermé chez moi et qu’il n’y a personne de caché sous le lit ou dans les placard, avant de me cacher sous la couette et de dormir la lumière allumée… Je l’ai déjà dit, j’ai la phobie des tueurs en série…

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