Depuis le temps qu’on se fréquente, vous et moi, sur ce blog, vous connaissez probablement ma propension à me réfugier dans des zones reculées de moi-même lorsque ça ne va pas. En tous cas, je la connais, moi, cette propension, je la connais même bien. Et c’est avec ce genre d’indices, ces derniers temps, que j’ai compris que je n’étais pas aussi bien qu’il n’y paraissait. Ainsi que je le présumais, avoir un boulot stable n’a pas tout réglé ; en fait c’est sans doute ce même boulot qui a précipité ma fuite en moi-même, tant certaines choses s’y passent mal.
Mais en fait, non, attendez, ce n’est pas vraiment le sujet du jour, mon travail. Le sujet c’est : comment j’ai découvert moi-même que je me cachais des choses. Que je ne m’étais pas tout dit.
Ce sont plusieurs éléments qui m’ont finalement mis le nez dedans…
L’un des éléments, on ne va pas se le cacher, c’est ce site, ce site qui est ma page d’accueil, ce qui veut tout dire son importance à mes yeux, mais que, aussi, je ne sais plus approcher sans ressentir un violent coup au coeur, presqu’une suffocation. Voilà maintenant deux mois que je me dis que je ne fais qu’une pause, que c’est temporaire, que je reviens. Mais force est de constater que je ne reviens pas. Par réflexe autant que par affection, pourrait-on dire, j’élague quelques commentaires visiteurs lorsque je tombe dessus, ou en poste un ou deux moi-même, mais l’air vient vite à me manquer, et je sens bien que je ne peux pas rester. Malgré tout, je ne veux pas non plus dire : voilà, j’arrête. Je reste convaincue que ce n’est qu’une crise ; profonde, mais passagère. Mais pendant ce temps, je n’arrive pas à revenir vraiment, et je suis consciente que ça pèse sur ceux qui, eux, n’ont pas faibli, mais je n’y arrive simplement pas, pas maintenant, je sens que ça ne va pas. Si je n’aimais pas profondément ce site, je n’en serais évidemment pas là. Il me serait simple soit de m’y remettre, soit de claquer la porte, de faire un choix, mais je m’y suis tant investie que, nécessairement, ça touche quelque chose d’intime que j’ai besoin de régler… j’ai besoin de comprendre, j’ai besoin d’à la fois prendre du recul et revenir aux fondamentaux, j’ai peut-être besoin de redéfinir certaines choses et de trouver le courage de les dire ensuite, avant de me replonger dans le grand bain violet avec la ferveur d’autrefois (ou une autre qui lui ressemblerait).
L’autre élément, et il a été très clair d’ailleurs, c’est quand je me suis remise à « jouer », aussi ridicule que ça puisse paraître quand on sait que ça fait 20 ans que je pratique ce cadeau que je me fais à moi-même, le soir avant de dormir. Se mettre à « jouer », c’est déjà un message en soi. « Jouer » c’est admettre à la fois que ça va mal, puisque c’est rêver ma vie autrement et bien souvent ailleurs, mais aussi admettre que ça va mieux, puisque quand la douleur me terrasse véritablement, je ne sais même plus m’offrir l’illusoire consolation de « jouer », la réalité étant alors trop forte pour mon imagination. Et puis, « jouer », c’est tout simplement ce que je « joue ». Je n’en dis jamais autant sur moi-même que lorsque je me raconte des histoires, et que soudain, la situation de que je décris en « jeu » présente, bien involontairement, de curieuses similarités avec ma vie actuelle, alors que le but du « jeu », c’est tout justement l’inverse : s’évader, vivre la vie d’une autre moi, en mieux. Je me révèle alors des choses que je pense ou éprouve, et dont je ne voulais rien me dire jusqu’alors. Et je sais que, tout étrange que puisse sembler être le « jeu » aux autres, à moi, il se révèle toujours aussi utile pour aller au fond des choses.
Et puis, un troisième élément, c’est la présence dans le « jeu » de l’Homme sans visage. Quand il reparaît, je sais aussi ce que ça veut dire. Ca veut dire solitude, ça veut dire envie d’être aimée, ça veut dire s’échapper là où les hommes n’ont rien réussi à faire de bon. Ca veut simplement dire que je ne suis pas prête à ce qu’un homme me regarde, mais que je ressens douloureusement la sécheresse de mon coeur. Pas de méprise, l’Homme sans visage n’a rien à voir avec le sexe. Juste avec la désertification de ma vie sentimentale. Quand apparaît l’Homme sans visage, c’est que l’absence n’a que trop pesé. Mais qu’il n’est pas encore temps pour y remédier. J’ai trop besoin de sa gentillesse, sa douceur et sa patience pour le moment. Un vrai homme ne saurait pas, ne pourrait pas ; ne devrait pas avoir à, non plus.
Dernier élément, et non des moindres, c’est d’avoir à nouveau envie d’écrire. Lorsque les mots reviennent, c’est, là aussi, que ça va sans aller. C’est que j’ai à nouveau le temps mental, la capacité d’introspection ET celle de communication. C’est quand j’ai l’impression de souffrir au point de déborder de mots, mais d’être suffisamment en Paix avec ma propre existence pour les aligner. L’écriture a ce pouvoir magique de me soigner de toutes façons, que j’écrive sur moi-même aussi bien que sur des fictions. D’ailleurs la nouveauté, en fait, ce serait exactement ça : un retour à la fiction. Je n’avais plus écrit d’histoires depuis des années. Deux ou trois, au moins. Je suis pourtant bel et bien saisie à la gorge par l’envie de créer (ou ranimer) des univers, et d’y faire s’ébattre et se débattre mes personnages. Et avec cette façon d’écrire que j’avais un peu perdue, je redécouvre l’envie à laquelle je n’ai plus cru depuis encore plus longtemps, celle dont je n’ose pas encore dire le nom tant elle me semble incroyablement immodeste et irréaliste, pourtant c’est bien de cela qu’il s’agit. Oui, mes fantasmes m’ont reprise, et je sais bien ce qu’ils signifient dans tout leur manque de réalisme : moi, autre, ailleurs, loin, puissante, avec mon stylo. Si je rêve de porter ma plume si loin c’est donc bien qu’il y a un problème ici.
Mille autre indices, encore, s’ajoutent à ce diagnostic, et je vous les épargne. Mais ils convergent tous pour créer une constellation d’effets, dont je n’ai pas grand mal à trouver la cause. Avec une telle carte des étoiles, tout devient clair : je vois que j’ai mal, que je me sens seule, et que ça ne va pas changer tout de suite, alors il y a moi, il y a ce que j’ai à l’intérieur, en attendant un vrai dehors. C’est ce moment du cycle où je reste recluse dans l’improbable et le rêvé pour atténuer le choc de la réalité, le temps d’une fois de plus faire peau neuve et me relancer sous les roues de la vie. Il y en a encore pour quelques temps. Ca passera. Ca passe toujours, et ça passera toujours. Mais une fois de plus, avec délice et horreur, j’en ai pour un moment avant que ça ne passe.
J’en suis là. J’attends. Que l’encre coule en un débit plus régulier, et que je n’ouvre plus les yeux dans le noir et réalisant soudain que ce n’est qu’un « jeu », et que le vrai fait mal.
Pourquoi ai-je toujours l’impression qu’il y a une blessure à panser ? Je fouille dans mes plumes et n’y vois que des plaies, des cicatrices, et un peu de place libre pour les prochaines ; c’est là que ça frappera, ou que d’autres se rouvriront ; pourquoi je ne suis pas capable de trouver la Paix ? Pourquoi j’ai l’impression que ça ne finit pas ?
Je sais bien ce que je dis, je dis toujours qu’être dépressive, c’est comme être alcoolique : on l’est à vie. C’est quand on s’en croit guéri qu’on est le plus exposé au risque. Mais même avec cet avertissement que je m’adresse à moi-même, ce n’est pas satisfaisant de se dire que tant de choses font encore mal… comme dimanche chez mes parents.
Quand « jouer » ne suffit plus, quand écrire ne suffit plus, je m’aperçois que je suis toujours la petite fille qui se prend la vie de plein fouet et ne sait toujours pas lui survivre durablement. Je suis cassée, pour toujours, il y a toujours un bout du mécanisme en moins, et cette seule pensée m’épuise, je voudrais tant ne plus être cette fille-là, celle qui regarde les autres et n’arrive pas à se faufiler dans le courant et se laisser porter, sans se sentir étrangère à elle-même. Je voudrais tellement ne pas avoir envie d’écrire, parfois ! Ce serait un si bon signe !
Pourquoi les gens savent faire face sans se réfugier en eux-mêmes ? Pourquoi les gens savent faire face sans se demander comment ils ont trouvé la force ? Pourquoi les gens ne se sentent pas brisés comme une plume d’oiseau ?
Je noie mes rêves dans de l’encre et je m’étonne que j’ai le mal de mer. Ca ne finira donc jamais ?
Essayons de nous rappeler : qu’est-ce qui vient, comme phase, juste après ?
Je suis bien d’accord avec ta comparaison entre dépression et alcoolisme. Et c’est toujours quand on croit s’en être enfin débarrassée qu’elle ressurgit, comme si elle s’était tapie dans l’ombre, dans un coin de l’âme, avant de détruire la barrière de cynisme que je m’étais forgée pour exposer l’enfant terrifiée qui n’est jamais partie, qui ne s’est jamais vraiment endurcie malgré tous les coups, toutes les déceptions. Moi aussi je joue avant de m’endormir mais surtout je lie ma téléphagie à cette dépression, c’est un exutoire, me plonger dans les histoires des autres m’aide à oublier la mienne. Parfois ça tourne à la boulimie, fiction après fiction, sans vraiment regarder, juste pour être ailleurs… Et ensuite, il faut revêtir le masque de la normalité pour ne pas perdre les quelques personnes qui sont là, car la dépression à tendance à faire fuir, j’en ai fait les frais. Afficher un sourire de façade et faire semblant. Je crois que la phase qui vient après, c’est quand on n’est plus obligé de faire semblant, quand on n’a plus envie d’être ailleurs mais de vivre le moment présent. Je ne me rappelle plus quand c’était la dernière fois.
En tout cas, lady, je t’encourage vivement à te remettre à l’écriture, car la douleur permet au moins une chose, c’est d’exprimer des émotions plus intenses que la normale et elle est très propice à l’écriture de choses fortes et intéressantes. Tu as du talent, profites-en.
Courage Lady, on est toujours plus fort qu’on le pense.
Prend ton temps.
Je sais, c’est nul comme commentaire mais j’ai jamais su quoi dire dans ces cas là. Je voulais juste que tu saches que rien ne presse, et que ça fait énormément de bien de constater que tu n’as pas oublié TP.
Reviens nous en pleine forme, parce que si tu savais toutes les horreurs qui passent en ce moment… u__u
lady, je ne veux surtout pas te dire ce que tu as à faire évidemment, ni compliquer les choses, juste te donner mon humble opinion, mais sans détour. Parce que désolé, c’est peut-être un peu égoïste de ma part mais je ne veux pas rester sans rien faire.
Ce site te détruit, il t’obsède, il t’empêche de mener une vie saine, de te débarrasser de vieux démons, il t’empêche d’avancer. Il t’a certainement aidée dans le passé, il t’a sauvée même, mais à présent TP est devenu pour toi un moyen de fuir plus qu’autre chose. Tu peux trouver d’autres repères, TP n’est plus ta vie à présent, ni la seule chose que tu as, tu peux avancer sans lui, et même… Tu le dois. TP est un boulet pour toi.
Un nouvel équilibre dans ta vie qui inclurait TP serait à mon avis précaire, car tu ne peux pas vivre en continuant TP de façon détachée. On n’a jamais vu un ancien alcoolique boire un verre de champagne comme ça, quand ça lui chante.
Pour tourner la page (car c’est bien de cela qu’il s’agit) tu as des alliés qui peuvent devenir des déclencheurs, SLOA, l’écriture, ton boulot, d’autres dont je n’ai peut-être pas connaissance, dans tous les cas, oui tu es seule, ce serait joliment hypocrite de dire que « tu n’es pas seule » vu que tu as fait le vide autour de toi, et tu es donc seule à pouvoir prendre conscience de ce que tu dois faire, et le réaliser. Tu n’as pas confiance en toi ? A mon avis, pas moins qu’une autre. Ça peut changer, ça aussi. Oui, tu as eu des problèmes mais dans ce que je lis depuis plusieurs années maintenant, honnêtement, je ne vois rien qui ne soit curable. Tu es seule, mais tu peux te faire aider. Je me demandais si t’appeler pouvait améliorer les choses, mais je ne suis pas encore convaincu que ce soit la solution la plus judicieuse. Mais si tu veux, ça peut se faire.
Merci!
Pour le lien. Je decouvre ton blog, tres interessant…
J’ai vu que tu avais tout de même publié mon dernier commentaire. J’en conclus que ça ne te dérange pas tant que ça que je t’en laisse parfois au gré de ma lecture de tes anciens billets. ( Et puis peut-être même que tu prends un peu plaisir à les lire ! ( j’ai dit « un peu » !! je ne rêve pas, t’inquiète !! ))
Alors je continue, je ne m’en prive pas. (Et puis si vraiment certains de ces mots t’ennuient, ne les publient pas, aucun souci !! Je suis pas du genre à me « vexer ». )
Et qui sait, peut-être qu’arrivé au bout de ma lecture, je t’aurai écrit 712 commentaires !!