L’important, c’est le chemin

15 août 2008 à 18:41

« On sait comment ça finit ! » me disait, il y a quelques jours, quelqu’un avec qui je parlais de Boston Justice.
Je crois en fait que la phrase complète était quelque chose comme « tous les épisodes sont pareils, on sait qu’il va gagner le procès à chaque fois, on sait comment ça finit ! ». De mémoire, hein. Mais vous saisissez l’idée générale.
Il était quelque chose comme 3h du matin, et je crois que mon argumentation s’est résumée à : « mais c’est pas ça l’important, l’important c’est pas s’il va gagner le procès, mais comment il va gagner le procès ». Ce qui en soi n’était pas faux, évidemment, mais ce n’était que la partie émergée de l’iceberg.

En fait, ce dont nous parlions à cet instant, ce n’était pas vraiment de Boston Justice, non ça ce n’était qu’un prétexte ; le sujet c’est très certainement ce qui distingue le téléphile du cinéphile : la fin.

Quand on regarde une série télé, on ne la regarde pas pour la façon dont ça va finir ; l’essence-même du concept de série, c’est que ce n’est pas fini puisqu’un autre épisode viendra ensuite, puis un autre, et ainsi de suite. D’ailleurs dans 99% des cas, on ne sait même pas quand la série va finir. On sait quand la saison va finir, certes, mais on ne sait pas combien de saisons il reste (les créateurs n’en savent souvent rien eux-mêmes).
Et même quand on sait que c’est la dernière, ça ne veut pas dire que l’histoire va finir, juste la série. Et là encore ça fait une grande différence.

Et pourquoi regardons-nous tout de même quelque chose qui n’a pas de fin, ou seulement de façon très lointaine ?

Parce que l’important, c’est le chemin.

L’important c’est d’accompagner les personnages, s’attacher à eux, parfois s’en désolidariser, les voir évoluer, voir leur situation progresser… C’est voir aussi comment l’histoire va se développer, comment, d’un épisode à un autre, les choses vont progressivement changer, parfois en bien, parfois moins…
Le cinéphile regarde un film qui doit trouver une conclusion à tout cela en moins de deux heures. Le téléphile, lui, il a tout son temps, rien ne presse, la semaine prochaine, il y aura encore des choses qui se passeront, et la semaine suivante aussi ; l’essence-même de sa passion, c’est la patience, quelque part…
Quant au téléphage, lui, c’est pire, il voudrait que ça ne finisse jamais. Mais le téléphage, c’est un extrémiste de la zapette, un grand malade, comme je vous le démontre régulièrement.

On ne regarde pas une série télé pour savoir « comment ça finit ». Soyons sincères, dans le fond des choses, il n’y a pas 36 000 façons pour que ça finisse. En gros, soit à la fin, tout le monde est heureux, soit à la fin, tout le monde n’est pas heureux. Pour schématiser. Le reste c’est de l’ordre du détail. De quelle façon ça finit ? En général, ça finit en nous laissant sur notre faim, de toutes façons (ah non, ça c’est juste parce que je suis téléphage, au temps pour moi).

Effectivement, sur l’axe du temps, un épisode a un début et une fin. Mais la vérité c’est que même pour les formula shows, cette fin n’est qu’éphémère, et nous le savons. Nous regardons l’épisode suivant en ayant de nouveaux éléments tout de même. La semaine dernière, Stabler s’est mis en rogne plus que d’habitude, il a dépassé les bornes, il a pété un câble… cette semaine on ne le voit pas tout-à-fait de la même façon (il est plus sexy en fait ! euh, pardon, c’est encore moi, ça). La semaine dernière, Sarah s’est prise d’affection pour une petite fille… cette semaine elle n’en parle pas, mais nous, nous avons le souvenir de cette expérience. Notre conception du personnage a changé. Un peu.
Ce qui compte, ce n’est pas comment l’épisode a fini, c’est ce qu’il s’y est passé. C’est la façon dont nous accompagnons le show, épisode après épisode, qui fait de nous des téléphiles plutôt que des cinéphiles.
Le concept-même de la série, ce n’est pas qu’il y ait un début et une fin, c’est que nous fassions le chemin avec les personnages, que nous suivions leurs quêtes, leurs déboires amoureux, et toutes les péripéties tordues auxquelles les scénaristes les soumettent, en bons sadiques qu’ils sont. Eux, ils écrivent l’histoire des personnages, et nous, nous écrivons une histoire avec ces personnages.

L’important, ce n’est donc, évidemment, ni de savoir la vérité après laquelle Mulder court, ni de savoir si Joey finira avec Dawson ou Pacey, ni de savoir si oui ou non Carrie va se marier avec Mr Big, ni de savoir si à un moment, ce fichu vieux va perdre l’un de ses procès…
Si vous voulez juste savoir ça, vous passez à côté de l’essentiel de l’expérience que peut vous procurer une série télé.

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2 commentaires

  1. skyangel dit :

    c’est vrai que quand je regarde un film je veux en connaitre la fin meme si celui ci ne me passionne pas. Et une mauvaise fin peu carrément gacher un film.
    Mais pour les séries c’est différents, si un épisode, une saison déçoivent cela ne remet pas en cause ce qui à été suivi avant parce que ce qui compte c’est surtout les personnages auxquels ont s’attache. Et puis sauf en cas d’annulation, les scénaristes peuvent toujours se rattrapper à la prochaine histoire.(Pour exemple dans Friends je trouve la relation rachel-joey contre nature, vraiment je deteste mais ca m’a pas empéché de continuer à regarder et à rire devant le show d’autant que cela à quand meme servi à rendre le personnage de joey un peu plus mature, j’ai dit un peu )

  2. Nakayomi dit :

    Maiiis euuuh… Si la fin c’est important…

    Non, bon, c’est vrai, comme tu le soulignes, on reste bien souvent sur notre faim sur les fins de séries, parce qu’elles sont souvent annulées avant opportunité de donner une « conclusion » (et les bonnes conclusions ne courent pas non plus forcément les rues).

    Après, y’a quand même des fois où l’intérêt, c’est aussi d’arriver à cette fichue conclusion, même si l’accompagnement et les personnages ne sont pas négligés (non, je ne pense pas du tout à Lost et autres séries du genre). Après, la plupart des séries, c’est vrai qu’il n’y a pas forcément cette notion d’histoires (peut-être plus dans les séries à tendance fantastiques ? Qui ont en général des arcs comme les Buffy et les Heroes notamment… Même si c’est souvent une partie de la grande histoire qui n’en finit pas…).

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