Il aura fallu attendre 8 mois de service dans ce ministère pour qu’enfin cela arrive. Je suis étonnée que ça n’ait pas eu lieu plus tôt, surtout vu les dossiers plutôt politiquement colorés qu’on traite dans le coin, et le beau linge avec lequel on est en contact.
Aujourd’hui, j’ai tapé ma première lettre de lèchebottisme pour Monsieur Patron.
Plusieurs, en fait, ce qui compense probablement le retard.
En substance, voilà comment ça se passe : quelqu’un de très haut placé à transmis à Monsieur Patron des documents très volumineux et d’un intérêt relatif dans l’immédiat. Surtout pour qui travaille déjà 15h par jour en moyenne. Si ces documents avaient été transmis par je-ne-sais-lequel de ses contacts habituels, Monsieur Patron aurait soupiré un « ça va me faire de la lecture » et l’aurait posé sur la pile de droite. Et la pile de droite, cachée entre le téléphone et l’écran de son ordinateur, on la connaît.
Mais là, vu l’expéditeur, Monsieur Patron a humecté ses lèvres et s’est lancé dans une grande démonstration de léchebottisme. Il a feuilleté les documents, et il a pondu une lettre sublimissime que je dois taper. Lettre qu’évidemment, je ne peux pas vous recopier pour des raisons évidentes de confidentialité, et puis en plus c’est très connoté sur ce que nous faisons, mais voilà quelques formulations qui m’ont fait rire et auxquelles vous avez tout de même droit. Yen a d’autres que je ne peux vraiment pas vous mettre, mais dites-vous que les lettres sont comme ça du début à la fin :
– « vous m’avez envoyé le 3 juillet un exemplaire de [ça], j’ai pris le temps de le lire de l’apprécier avant de vous répondre » (c’est vraiment ma préfére celle-là, je la ressortirai la prochaine fois que je serai en retard au boulot : « vous m’avez parlé hier, j’ai pris le temps de repenser à vos paroles avant de venir travailler ce matin »)
– « vous et vos collaborateurs, que j’apprécie particulièrement » (*slurp*)
– « ce document est tout-à-fait à l’image de [vos services], discret et créatif » (insérez ici un coup de langue râpeuse)
Ah, les joies de la hiérarchie… je m’en lasse pas ! Ouais, ça me manquait presque, en fait.
Surtout que le plus beau, c’est que dans 95% des cas, c’est l’assistante qui ouvre l’enveloppe, voit la lettre de remerciement et/ou la carte de visite avec le mot gentil, sourit un quart de seconde parce que c’est elle qui s’est fait chier à imprimer les 500 pages de tel rapport ou à récupérer le dossier dans tel service peu coopératif, et ça finit à la poubelle sans même que son patron l’ait vu, considérant que c’est souvent quelqu’un de bien trop important pour s’embarrasser de ces contingences (voire, s’il est soupe au lait, par peur de le déranger, surtout quand ça date d’il y a trois semaines).
Hein les filles ? On l’a toutes vu, ça…
On vit dans un monde hypocrite, certes, mais c’est tellement plus agréable de vivre dans un univers fait de politesse et de révérences verbales !
Allez, bon weekend à tous, mes lecteurs préférés dont je vénère chacun des nombreux mots dans vos non moins nombreux commentaires.