Woulda, Coulda, Shoulda

3 juillet 2008 à 20:48

Quand on est diffusé sur ABC Family et qu’on a un passif plutôt chargé, on est forcément attendu au tournant si on choisit un sujet tel que la sexualité adolescente. Mais Brenda Hampton, qui maîtrise son outil et surtout, qui sait l’utiliser à destination d’un public bien particulier (les parents conservateurs) a su tout de même bien amener la chose avec le pilote de The Secret Life of the American Teenager, sans qu’on n’ait de raison de lui jeter des cailloux, nous qui ne sommes pas, a priori, son public.

Il y a avait deux pistes possibles avec le pitch principal de la fille-mère : soit y aller carrément, en prônant l’indulgence totale, la compréhension quasi-aveugle… quitte à exclure une partie du public du traitement de cette problématique ; soit, comme ç’a été le cas ici, jouer sur les codes de la fiction bien-pensante pour osciller entre la réprobation… et le véritable questionnement.

A ne pas s’y tromper, ce n’est pas The Secret Life of an American Teenager qu’on a ici, le pronom indéfini faisant toute la différence, mais bien plusieurs portraits, d’ailleurs lorsqu’au cours de l’épisode, on passe la soirée avec plusieurs ados, on nous montre bien qu’il n’y a pas UNE histoire de sexualité mais bien de plusieurs. Au temps pour les résumés en préfabriqué qu’on a pu lire un peu partout.
C’est avec ce genre de détails qu’on remarque que The Secret Life of the American Teenager a plus de chances de faire évoluer les mentalités que si la série avait été créée par tout autre que Brenda Hampton. La plupart des personnages, certes, semblent simplifiés à l’extrême, à la limite de la caricature, mais on a à la fois la caricature de la chrétienne chaste, de l’ado perturbé, et de la pin-up du lycée, ce qui assure, au final, la multiplicité des points de vue. Et ça c’est, la bonne idée de ce pilote.

Les choses sont plus compliquées qu’elles n’en ont l’air, et c’est ça la force de The Secret Life of the American Teenager : chaque personnage caricatural renvoie une image extrême qui nous fait faire un pas en arrière en disant « oho, ne m’embarque pas avec toi dans ton délire ! » (oui, même dans cette scène d’une drôlerie folle où le gamin essaye de soutirer à son conseiller une inscription dans le groupe du lycée, juste pour pouvoir se faire dépuceler ! mais c’était quand même une excellente scène). Dans une série strictement bien-pensante, la jolie petite blondinette chaste aurait raison dans l’absolu, mais ce n’est pas ce que dit ce pilote ! Il démontre qu’elle aussi, elle a autant à perdre à ne faire preuve d’aucune modération dans ses choix, que les autres personnages.
Je le répète, c’est comme ça qu’on fait avancer les mentalités : non pas en leur faisant la leçon frontalement, mais bien en leur démontrant, avec les codes du milieu, qu’il n’est jamais mauvais de nuancer sa pensée.

D’ailleurs au final, moi aussi j’ai nuancé la mienne. J’abordais cette série en pensant : « formidable, une série qui ose parler d’un sujet difficile ! Sus à la bienpensance ! ».
Mais il n’y a pas de gloire à être une petite ado perdue qui se retrouve enceinte. Finalement, peut-on défendre cela sans retenue ? Je regarde The Secret Life of the American Teenager et je me dis que non, que le visage adoraaable de notre héroïne (alors par contre, j’ai vraiment retenu aucun nom…) est tordu par le stress et l’inquiétude. Pourquoi voulais-je à ce point un plaidoyer pour la non-condamnation des gamines qui tombent enceintes ? Tout justement, elles ne sont pas prêtes ! C’est de l’inconscience !

Et puis, franchement, mine de rien, pendant que certains seront en train de s’affoler sur la grossesse d’une telle, ou le sexaholisme de l’autre… on introduit quelques détails, l’air de rien, comme la distribution de préservatif dans le cabinet du conseiller d’orientation. Pas de prêchi-prêcha, juste une évidence : ça ne sert à rien de les forcer à l’abstinence ! Il faut juste les é-du-quer ! Elle est pas belle la vie ? ABC Family permettant aux parents les plus frigides d’Amérique (enfin, juste derrière les amish qui n’ont même pas la télé, disons) de se faire à l’idée que, peut-être, il ne suffit pas de passer une jolie bague au doigt de sa fille pour résoudre les difficultés de l’adolescence, c’est pas magistral, des fois ?

Bref, dans The Secret Life of the American Teenager, on trouve à boire et à manger pour tous ceux qui ont déjà une opinion sur ce sujet épineux. Finalement, il n’y a rien de plus pédagogique qu’une productrice habituée à donner des leçons dans ses séries !
Dis donc Brenda, t’as pas envie de faire une série sur l’avortement ou la peine de mort, qu’on ait un peu de grain à moudre sans se coltiner de teenageries en sus ?

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1 commentaire

  1. Lulla dit :

    Comme quoi, on peut voir un même épisode de façon diamétralement opposée !
    Pour moi, cette série est parfaitement dans la lignée d’un « 7 à la maison ». Même si les choses sont effectivement un peu plus nuancées et mieux abordées, la finalité est la même : on donne des leçons aux ados en leur disant que le sexe c’est mal, qu’il faut attendre le mariage, que rien ne sert de courir … Tout n’est pas faux là-dedans. C’est vrai qu’ils sont encore jeunes. Mais merde, pourquoi présenter les choses de façon aussi caricaturale ???

    On a d’un coté les bons chrétiens, certains sont présentés avec humour et second degré (et c’est là pour moi le seul intérêt de ce pilot) et de l’autre, tous ceux qui sont athées et qui sont donc de terribles pervers qu’il faut remettre dans le droit chemin. Insinueusement, le message est donc clair.
    Je ne parlerais même pas du thème de l’avortement qui est esquivé en deux secondes (en espérant quand même qu’il revienne plus tard sur le tapis parce que sinon ça craint vraiment !)

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