J’ai menti

12 juin 2008 à 23:53

Bah oui, vous vous en doutez bien, je ne disais pas la vérité quand je proclamais que je me contenterais de ce qu’on voudrait bien enfin m’accorder. Mais sur le coup, promis, hein, j’y croyais presque. Mais en vrai tout le monde se doutait que c’était faux, n’est-ce pas ?

Ceux qui me connaissent bien ont dû en fait bien rigoler, en me voyant écrire que je me contenterais de ce que j’aurais. J’ai écrit ça parce que je suffoquais, mais ce n’était pas moi. C’était juste pour amadouer le jury, j’imagine, mais c’est pas dans ma nature de me dire « ok, on arrête là, ça suffit, c’est bien comme ça ».

Le problème avec moi, c’est justement que j’en veux toujours plus. Et bien évidemment, ça ne vaut pas que pour les séries télé et les PV de Jmusic ! En fait ce n’est même pas un problème, c’est juste l’un de mes traits de caractère. On s’en accommode bien, moi-même je me suis tout-à-fait acclimatée, c’est jusque que, parfois, j’oublie comment je suis.

Alors ouais, j’ai dégoté un boulot à vie, j’ai réussi ce p*tain de concours, mais…

Oh, la lune de miel est toujours là et bien là ; ça me prend, comme ça, un sourire se greffe sur mes lèvres, ou je me mets à pleurer de bonheur (tout-à-fait : de bonheur, je pensais que c’était une légende urbaine mais ça existe)… Et je me sens heureuse et peut-être même accomplie, en dépit de la fatigue due à mon boulot actuel, en dépit du fait que, hein, tout n’est pas parfait pour autant dans ma vie, en dépit du fait que d’autres de mes projets sont dans une période frustrante qu’une impatiente congénitale comme moi a du mal à laisser patiemment se dénouer sans broncher, etc…

Il aura fallu quoi, seulement 12 jours, avant que je ne me dise « une fois
titulaire j’essayerai de faire ça, et ça, et d’avoir un poste là ». Je suis déjà dix pas en avant !
Et
puis je ne pense pas qu’au plan professionnel, évidemment…

Comme si
je n’allais plus jamais m’arrêter de vouloir plus.
Ces dernières années j’ai appris à être patiente, à ronger mon frein et ne pas vouloir absolument tout, tout de suite. La question (ou devrais-je dire, la problématique) professionnelle m’avait matée, un peu, mais il s’avère que maintenant que justement, ça, c’est réglé, enfin en tous cas j’ai passé un pallier, eh bien les vannes sont ouvertes et j’en veux plus.

C’est dans ma nature d’être gourmande, et là, vu que j’ai cette super bonne nouvelle, j’ai envie de vivre mes envies à 200% et… bah… je peux pas. Enfin moi je pourrais, je suis au taquet, mais c’est le monde qui n’est pas prêt. Pourtant en 5 ans, il a eu le temps de se préparer, mais que voulez-vous… cela dit, je ne saurais le lui reprocher. Je reparais devant le monde avec une expérience de 5 années calamiteuses… qui se lisent probablement sur mon visage et le reste.

Du coup maintenant, je veux vivre tout ce qui me plaît et je trépigne sur place à me dire « mais ça je peux pas… rha ça non plus… ça pas encore, faudra attendre la titularisation… et ça j’arrive trop tard ».

Et puis, de blague foireuse en blague foireuse, depuis quelques temps j’avais commencé à me dire que, ouais, ça me tenterait bien de vivre ci, ou expérimenter ça, et évidemment ce n’est pas parce que je le décide que le monde m’est offert. Le monde a continué à faire sa vie pendant 5 ans, et tant mieux pour ceux qui n’étaient pas descendus en marche comme j’ai l’impression de l’avoir fait pendant ces années de chomdu, de serrage de ceinture, d’errances et de larmes. Mais moi je n’y suis pas. Et comment me faire une place là-dedans quand on sait à quoi je ressemble ?

Et puis merde, sincèrement, je me demande si j’ai les moyens de mes ambitions.

Pour être claire, ces 5 années de chômage, de deuil, de séparations, et de crevage de faim suivi de périodes à bouffer n’importe quoi, ça m’a transformée. Physiquement aussi, je veux dire. J’ai des cicatrices, des marques, des formes qui n’étaient pas là il y a 5 ans. J’ai perdu 20 kilos en trois mois, à un moment, ensuite je les ai repris, puis j’en ai reperdu une partie, et repris encore, et progressivement là je reperds… C’était selon que j’avais un travail ou pas, selon que les pizzas étaient à 1€35 les 3 et mon budget de 3€ par semaine, etc… Je n’ai pas juste vieilli de 5 ans comme tout le monde pendant cette période (ou presque… mémé…), c’est mon corps qui a dû tout encaisser au fur et à mesure des épreuves, et qui s’est retrouvé affecté par tout ce que je vivais…

Le plus gros du tumulte semble derrière moi, mais que reste-t-il de ma carcasse ? Sera-t-elle à même de ne pas ressembler au corps d’une nana qui en a bavé ces dernières années ? Est-ce qu’un jour mon corps ne portera plus sur lui mon histoire, comme il le fait maintenant ?

Je me regarde et je n’ai aucune idée de ce que je vois. Ou plutôt ça change tous les jours.
Certains matins je me regarde et je me dis que, eeeeh, mais franchement, j’ai bien remonté la pente par rapport à un moment !
Et puis d’autres matins je me maquille en me disant que je ne trompe personne, et que 5 ans à tirer la langue comme un canasson en fin de vie, ça se voit, quelle que soit la coiffure (c’est officiel, chuis une gonzesse, j’essaye de faire quelque chose de mon mètre de cheveux !), quel que soit le fond de teint (qui eut cru un jour que je m’achèterais un fond de teint Dior, hein, franchement, qui ? mais il est encore trop foncé et orangé, ça va toujours pas, non au diktat du bronzage), quel que soit le vêtement (la fille qui s’achète un ou deux Tshirts tous les mois, l’hallu !), je reste quand même la nana dont le corps appelle à l’aide.

Eh, le corps, t’as pas reçu le mémo ? On a changé d’ère !

Si-si, c’est tout nouveau, ça vient de sortir, ça a 12 jours…

Je n’ai aucune idée de l’impression que je donne. Quand j’essaye d’y penser, d’imaginer ce que quelqu’un qui me voit pour la première fois pense de mon apparence, je finis par transférer mes pensées, mes peurs et mes dégoûts… ça ne marche pas.
Tenez, quand la fameuse super bonne nouvelle est tombée…
Eh bien une heure avant je rencontrais Caroline, et je me demandais ce qu’elle pensait (bon je n’ai pas pensé qu’à ça pendant qu’on discutait, mais elle a un regard tellement perçant que je me suis dit qu’elle avait forcément dû me détailler et se faire une opinion, ne serait-ce que pour aller parler de la fangirl ensuite…). Genre « ohlala, j’espère bien que c’était une blague ses conneries parce qu’avec sa tronche c’est même pas la peine d’y penser », ou bien « elle fait vieille pour son âge » (oui, j’ai ptet pris un peu plus que 5 ans pendant ces 5 ans de galère, en fait), ou je sais pas… Et merde, pourquoi les gens ne vous disent pas, texto : , »ah bah dis donc, ton fond de teint il est pas aussi couvrant que le mien, on voit que ta peau te déteste » (‘tain c’est vrai Caro, dis, tu me donnes la marque de ton fond de teint super épais qu’on voit à peine ta cicatrice ?) directement ? Plutôt que de nous laisser nous demander comment on est perçu ?

Moi en fait j’en sais rien, je ne sais pas à quoi je ressemble. Parfois je me vois avec le regard d’il y a 5 ans et je me dis « oh t’as un joli profil » (je me mate dans les vitrines, c’est atroce parfois de devenir une fille), et parfois je me vois même avec mes yeux d’il y a 10 ans et je vérifie l’étiquette de mon soustale parce que c’est pas possible que ça, ce soit un 95C (bah pourtant si, ya pas moyen… mais c’est vraiment petit alors, un 95C ?).
Et puis souvent je me vois comme si j’étais encore dans la période de galère, j’ai l’air ravagée, dévastée… mais pendant cette période de galère j’ai trouvé le moyen de b*iser (plein de fois) donc c’est que même ce cas de figure ne doit pas être tout-à-fait exact non plus.

Et si je m’interroge sur tout ça, sur ce dont j’ai l’air, c’est parce que, bah j’y peux rien, je veux aller de l’avant. Je ne veux pas retomber amoureuse, et même dans mes rêveries les plus secrètes je ne me dis pas « rha pis ce serait le grand amour et tout » (encore quelque chose que ces 5 ans m’ont volé : je ne sais même plus en rêver), je me dis juste « ah, aller au resto de temps à autres, se faire un bon film ou plutôt une bonne série souvent, papoter un peu, s’envoyer en l’air beaucoup, éventuellement l’inverse de temps à autres ; juste passer de bons moments et  ne pas se sentir en sursis » ! Mais je repose la question : ai-je les moyens de mes ambitions ?
Ou bien, est-ce que je serai toujours obligée de ressembler dehors à la miraculée que je suis dedans ? J’ai l’impression d’avoir réchappé au pire, et j’ai vraiment réchappé au pire quand on y pense, tout ça aurait pu mal tourner et ça n’est pas passé loin parfois, mais mon corps, mon corps est resté bloqué dans le continuum spatio-temporel où ma vie est pourrie et où ma chair en prend plein la gueule.

Je pensais trouver la voie de la guérison avec ce concours, mais de toute évidence, il reste encore beaucoup à faire. Ça résout tant mais ça ne résout rien…

Je m’étais bricolé des solutions pour aller de l’avant d’un pas leste, et sur une grande partie ça a bien marché : j’ai fait le deuil d’un certain nombre de choses qui ne me touchent plus du tout alors qu’elles m’écorchaient vive il y a trois mois à peine. En fait certains délires m’ont bien aidée à ne pas regarder en arrière.
Je me rappelle que j’avais déjà utilisé ce « truc » pour tourner la page une autre fois, ya 7 ans, ç’avait bien marché en fait, et là ça remarche tout pareil, et je n’attends pas que ça se réalise, je n’essaye même pas, ça m’arrange juste d’avoir cet artifice pour faire la transition, je me régale les yeux tout simplement, et ça m’évite de ressasser les mêmes douleurs, cette blessure de l’abandon, vraiment ça marche bien ce système, et puis dans quelques temps, des semaines si tout va bien (je sens déjà que ça s’atténue) ou quelques mois si je fais une rechute, j’enlèverai les petites roues et je me lancerai vers quelqu’un qui n’a rien à voir, c’est pas le but, je ne veux pas réellement sortir avec ce mec, je ne le connais même pas, je m’en sers, c’est tout, pour me rappeler qu’il y a d’autres mecs avec d’autres profils. Je me doute que jamais sa vie et la mienne n’entreront en collision et quand je l’ai choisi, pour mon tour de passe-passe avec le passé, je pensais sincèrement que c’était le cas. Et puis quelques jours plus tard Caroline m’a contactée et l’écart s’est rétréci… ce n’était plus drôle.
Mais il n’en ressortira rien et c’est tant mieux, il n’est pas là pour que ça existe, juste pour que je me rappelle que c’est envisageable à nouveau pendant que je me reconstruis. Quand je serai prête, je l’oublierai, comme les autres béquilles que je m’étais trouvées il y a des années, et puis quand je le reverrai furtivement, alors que je serai dans les bras de mon prochain mec, je sourirai en me disant « merci mon gars, tu le sais pas mais ta bonne humeur, tes conneries et ton sourire (pis deux trois autres choses aussi), ça m’a permis de tourner la page ». Et personne n’en saura rien… et surtout pas lui. Et ce sera super comme ça.

Mais quand je me regarde, je me dis que ma propre guérison intérieure ne suffit pas. Il ne suffit pas que je sois prête à vivre de nouvelles choses. Il ne me suffira pas d’une béquille. Cette fois mon corps a morflé. Ca a duré des années tout ça.
Les autres aussi devront me regarder comme si j’étais envisageable. Est-ce que je ressemble à quelqu’un d’envisageable ? Est-ce que je peux me transformer en quelqu’un d’envisageable ?

Finalement, chercher un taff, c’était largement mois compliqué. L’étape suivante est vraiment pas gagnée.

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1 commentaire

  1. Cédric dit :

    Je continue ma lecture en remontant le temps et là, en lisant ce post, j’ai comme l’impression de lire une autre « ladyteruki », je te « reconnais » et en même temps j’ai cette impression que tu n’es plus celle de 2008 et que tu as beaucoup évoluée intérieurement. C’est pas évident à exprimer mais le flot de l’écriture n’est pas le même, tu parles davantage avec une sorte de frénésie que je n’ai pas détectée dans tes billets récents qui sont plus sages et posés.

    C’est juste mon impression hein, je prétends pas détenir la vérité sur toi. (Tu te connais mieux que personne évidemment. Tout comme moi je me connais mieux que personne. ) (d’ailleurs quand je relis mes anciens blogs, j’ai cette impression aussi : c’est « moi » et en même temps c’est plus « moi », comme si c’était un peu un « autre » Cédric, je me reconnais et en même temps c’est plus tout à fait moi) Par contre la facilité avec les mots est toujours la même. Ce talent doit être inné chez toi !

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