« Je te
pourris la vie »… Prélude à un adieu que
je sais imminent et qu’il ne fera rien pour retarder. Je me
contemple le calendrier en me demandant : « dans
combien de mois, combien de semaines va-t-il définitivement
disparaître de ma vie ? ». Cela semble
inéluctable aujourd’hui. Mais cette fois-là, je ne
serai pas celle qui expliciterai l’inavouable, je refuse ce rôle.
S’il veut sortir de ma vie, par embarras ou autre, il faudra qu’il
le dise lui-même.
Je devrais sans doute me
rassurer de voir que je suis encore capable de faire partie de la vie
de T. ; ce n’était pas l’intention mais j’ai
découvert que, malgré tout, malgré lui aussi,
trois ans après notre rupture nous faisions encore partie l’un
de la vie de l’autre. Il lit mon blog (peut-être en ce
moment-même) régulièrement, et moi je pense à
lui aussi de temps à autres (surtout lorsque je pense à
ma grand’mère…). Oui, cela devrait me rassurer après
ce que nous avons vécu. Mais ce n’est pas le cas. Je
n’arrive pas à me réchauffer le cœur à cette
idée.
Oui, je suis malheureuse
depuis plus de deux mois… C’est plutôt normal je dirais.
J’ai la chance d’avoir d’autres choses auxquelles me
raccrocher, et qui font que je suis simplement malheureuse, et pas à
nouveau au fond du gouffre. Je n’en suis pas à me demander
pourquoi je vis… juste pourquoi je fais certaines choses. D’une
certaine façon je suis en progrès ! J’ai la
tristesse sèche comme un hiver ; les larmes coulent en de
(trop !) rares occasions, mon cœur est dur et froid et je me
dessèche lentement… je suis malheureuse, mais je n’en suis
pas dépressive pour autant. Simplement rien ne me réchauffe
vraiment, rien ne me réjouit entièrement. Je guérirai
peut-être même de ce froid, un jour, qui sait.
Oui, je suis malheureuse
depuis plus de deux mois, et c’est de sa faute… Ma foi on ne va
pas le nier : je suis encore très attachée à
lui, et sans aucun doute je le suis plus que lui (ça me
passera) (ça passe déjà).
De toute évidence,
je serais plus heureuse si nous étions encore ensemble, c’est
un fait. Maintenant serais-je plus heureuse si nous nous remettions
ensemble ? J’en suis beaucoup moins certaine.
Il y a la nostalgie. Je
repense à nos bons moments. Ca ne fait qu’à moitié
mal, car je parviens à encore ressentir le bonheur et la
beauté de ces instants. Ces instants que j’aimerais à
la fois coucher sur le papier pour ne jamais les oublier, et en même
temps que j’ai envie de ne même pas dévoiler à
moi-même, à garder secrètement dans un coin de
mon cœur, moitié pour qu’ils gardent leur innocence, moitié
pour pouvoir les perdre progressivement dans le froid sourd qui me
gagne.
Il y a encore
l’attachement. Je sais qu’à chaque jour qui passe où
je me sens (sais ?) rejetée, il s’étiole et
disparaît lentement. Je suis loin de ressentir ce que
j’éprouvais il y a à peine deux mois, c’est net.
J’ai été tellement blessée et déçue
que je ne peux pas faire autrement que voir ces sentiments se réduire
petit-à-petit comme peau de chagrin. Ca me fait peur
d’ailleurs, j’ai l’impression que cela va trop vite. Non que
j’aie envie de me complaire dans des sentiments qui n’auraient
plus lieu d’être, mais simplement, je trouve inquiétant
que mon cœur se referme avec une telle brutalité, comme un
piège ; et que le prisonnier, c’est mon avenir,
condamné à se ronger la jambe. Quelque chose meurt en
moi chaque jour et ça me rend infiniment triste de me dire que
je ne serai plus capable de cet attachement plus tard. Parce que
c’est ça qui meurt : ma capacité à aimer.
Cette fois j’ai donné tout ce qu’il me restait. Mais
l’attachement est encore là pour le moment.
Et puis, il y a encore le
désir. Les mauvaises langues (et j’en suis) ainsi que les
psys de bas étage diront que c’est ironique de ressentir
pareil désir lorsque précisément il ne peut plus
être assouvi. Je crois que cela dépasse le cadre de
l’effet de manque : la vérité c’est que je me
sens incroyablement épanouie dans un autre domaine de ma vie
qui, lorsqu’il me manque, me dévore les entrailles. Pourquoi
n’ai-je pas su profiter mieux de l’époque bénie où
nous étions ensemble ? Simplement parce que la terreur
d’être sans argent, sans reconnaissance, sans visibilité
sur l’avenir, me rongeaient au-delà du raisonnable. Ce n’est
pas juste de la peur, c’est de la terreur. Et je l’ai laissée
me faire passer à côté de ce que j’avais déjà,
réduisant ma libido à néant.
Pourtant je suis là,
avec ce désir en moi, un désir que je n’ai ressenti
que rarement à ce point, avec même des fantasmes et
c’est quasiment nouveau pour moi ! Je ne me rends compte qu’à
présent à quel point avec lui j’ai avancé dans
ma vie de femme, je fais le bilan de ce que j’ai découvert,
appris sur moi-même et sur lui… J’aperçois parmi les
souvenirs des choses que je n’avais pas vues alors : comment
j’ai réalisé mon précieux rêve du
dimanche matin, comment j’ai trouvé un compagnon avec lequel
il était plaisant de vivre les mêmes plaisirs… Et,
bien que je m’empêche, autant que possible, d’y penser, par
respect pour lui et pour me ménager, parfois je laisse
échapper un soupir en repensant à son corps. Et à
ses yeux…
Et je me retrouve là,
avec toutes ces choses que je réalise maintenant que mes plus
grandes angoisses se sont calmées, et je considère avec
horreur combien j’aurais été heureuse à
présent si seulement… !
Si seulement quoi,
d’ailleurs ? Si j’avais été patiente ? Si
j’avais été moins terrifiée ? Peut-être
qu’il n’y a pas que des « si je », qu’il
y a un « si il » aussi… ? De toutes
façons je ne saurai jamais.
Bien-sûr que ça
me pourrit la vie de ne plus être avec lui, mais le retour
arrière n’est pas possible de toutes façons ;
alors quoi ?
Une part de moi, qui se
réveille après cette peur léthargique, a envie
de désirer d’aller de l’avant. Mais la simple idée
de vouloir vivre une relation à nouveau me semble
particulièrement absurde et dangereuse, ne parlons même
pas de concrétiser cette idée, ce serait de la folie
pure ! Faut-il donc que je m’éveille à tout un
tas de choses alors même que je n’ai plus envie de rentrer
dans un nouveau cycle… quel gâchis.
Ni avec lui, ni avec
aucun autre, je ne pourrai à nouveau ressentir cette
confiance, ni cette intimité. C’est surtout de ça
dont je suis en train de faire le deuil pour le moment.