Ya quelqu’un là-dedans ?

24 mai 2006 à 15:24

Je repensais à la première fois où j’ai fait un test de grossesse. La première fois on est transie de peur.

On lit la notice vingt fois pour être sûre de l’avoir comprise. Alors qu’on l’a très bien comprise. On est prête à y envoyer le grand gars à côté pour pas avoir à y passer (c’est vrai quoi, dans le fond c’est autant sa faute que la vôtre, merde !) et on rechigne. En même temps on sait bien qu’on ira, et on a envie d’être sûre une bonne fois pour toutes quand même. Le bâton tremble. Espérons que ce sera assez. Et si ce ne l’était pas ? Il faudra recommencer ? L’angoisse. Le pire est cependant à venir. L’attente. Ca fait une minute. Ca fait une minute cinq. Et yen a cinq à dix à tenir comme ça. Et derrière la porte, ça gratte un peu. Comme un chat qui veut entrer. Mais il ne veut pas entrer, il veut juste savoir. Et que vous soyiez toute aussi angoissée que lui, il n’y songe pas un seul instant. Ca gratte encore un peu. Un timide « alors » s’étouffe dans le bois de la porte. Il ne veut pas déranger. Vous, il veut bien, mais le test n’est peut-être pas fini dans le fond, et le test, faut pas le déranger. Des fois que ce soit un test susceptible, vous savez ? Peut-être que ça marche mieux si on se tait. On est trop préoccupée pour dire quoi que ce soit, même si on n’avait pas besoin d’entendre les soupirs d’impatience derrière la porte pour se vriller les nerfs. De toutes façons on se dit que, si le test dit ce qu’on veut pas qu’il dise, ce gars-là il faudra apparendre à faire avec pendant un bout de temps. D’ailleurs qu’est-ce qu’on veut pas qu’il dise, le test ? Dans le fond on s’aime, on est bien ensemble… si jamais ya un bébé… Quoi ??? Un bébé ? Le mot est lâché. Yaura pas de bébé. D’abord ça peut pas arriver dés la première fois. Bon si ça peut, mais pas à moi. Enfin si, vu ma guigne proverbiale, mais quand même, pas là. Naaaaaan, ça peut pas. Mais non voyons. Tout va bien se passer. Ca fait deux minutes. Encore trois. Enfin bon attendons le maximum. Donc encore huit. C’est rien. Ca passe vite huit minutes. C’est la durée d’une pause pub sur TF1 huit minutes. C’est un peu long, mais dans une vie, c’est quoi ? Ou dans deux vies ? Et ça recommence… Si je tombais enceinte, serais-je une bonne mère ? Oh bien entendu je sais que je ne suis pas obligée de le garder… mais très franchement l’avortement c’est mieux si c’est pour les autres, quand même. Je suis pas contre en théorie, mais dans la pratique je suis pas du tout pour s’il s’agit de moi. Donc si le résultat est positif, ça va quand même changer pas mal de choses. D’ailleurs, pourquoi ça s’appelle un résultat positif quand finalement c’est plus un résultat négatif ? Et puis pourquoi on dit négatif alors qu’en fait c’est plutôt positif de pas être enceinte ! J’ai peut-être mal compris. Je vais relire la notice. Ou appeler le numéro de renseignements pour vérifier que j’ai bien tous compris ? Le téléphone est resté dans la chambre. Mais non, c’ets juste qu’ils se placent du côté de celles qui VEULENT un enfant. Si-si, yen a. Des plus vieilles. Et puis, même si… dans le fond on s’aime, on est bien ensemble… On est jeunes c’est sûr, mais on s’aime. On est fiancés. C’est pas si grave ; ya pas de raison de stresser. Si tu grattes encore cette porte je t’assome avec quand je sors, vu ??? Tout va bien aller quoi qu’il arrive. Tiens, combien de gars seraient là en cet instant précis ? La plupart sortiraient sans doute, iraient faire un tour, penseraient à autre chose, et rappliqueraient pour le résultat. Je devrais sortir et être avec lui. Oui je vais faire ça. Oui mais si le test tombe dans l’évier pendant ce temps, et que ça fausse le test ? Nan il est bien à plat, là (je connais ma notice par coeur, donc tout a bien été fait, aucun soucis, zeeeeeen !) donc allez, on sort. On se serre l’un dans les bras de l’autre et on attend. On se sent tous petits, tout d’un coup. On se noie dans son poitrail tandis qu’il enfouit son nez dans vos cheveux. Le temps passe plus vite. Ca fait déjà dix minutes. On va voir.

Le résultat est négatif. C’est une nouvelle positive !

A ce moment-là, confusément, vous vous dites que vous avez 18 ans, et que c’était peut-être un peu jeune pour ouvrir le bal de ces angoisses et préoccupations. Parce que, tout au fond de vous, vous sentez que ce n’était pas « le test de grossesse » mais « le premier test de grossesse ». Il y en aura d’autres. Combien, ça, ça dépend de vous. Mais le doute a su s’emparer de vous une fois (peut-être un peu vite, peut-être un peu bêtement) et ça se reproduira (parfois à tort, parfois à raison) et vous en repasserez par là, quelque part c’est une certitude, votre vie sera aussi faite de ça dorénavant.

Ce que vous ne savez pas à ce moment-là, c’est qu’avec le temps vous stresserez moins. Vous deviendrez une pro du test. Du genre à passer avec les félicitations du jury. Petit-à-petit, vous n’êtes pas blasée, non le terme est un peu fort… mais vous gérez. Vous n’avez plus 18 ans, aussi (et ça c’est un avantage non négligeable). En trois ou quatre fois au cours de votre (finalement brève) vie sexuelle, vous avez pris le coup de main. Vous êtes une pro. Le bâtonnet ne tremble plus. Vous lisez un bouquin de pendant les dix fameuses minutes. Vous apprenez à vérifier l’heure, pas le résultat, entre deux paragraphes. Vous dépliez les jambes… hm, je vais en profiter pour me faire un petit soin du visage, j’ai pas souvent 10 minutes à rien faire dans la salle de bains. Ou alors je sors de là et je vais me mettre devant un truc plus sympa… oh non, je risque d’oublier de revenir ! Vous avez apprivoisé la bête, et par bête je ne veux pas juste dire le test, non je parle de la bête qui sommeille en vous et qui faisait de vous une gamine terrifiée. Vous vous regardez dans le miroir… c’est une femme que vous y voyiez. Vous comptez. Ca fait la quatrième fois. Mais ça fait aussi plus de cinq ans. Ce que vous avez mûri en cinq ans ! Vous ressortez de là, pépère (et pas mémère). Tout va bien. Vous le saviez. Depuis le temps. C’était juste pour vérifier. Vous ne vous êtes jamais vraiment inquiétée. Bon, si, la première minute peut-être, c’est normal. Mais vous n’avez pas eu besoin de lire le résultat.

Vous allumez la musique. Il fait un peu tiède, mais vous êtes en nuisette alors on va ptet pas ouvrir la fenêtre… oh puis merde, ya pas de vis-à-vis. Il fait bon. Une mèche de cheveux roule dans votre cou. Vous vous préparez un thé. C’est une bonne journée. Vous n’en aviez pas vraiment douté. Vous envoyez un petit message pour rassurer le mec (pas trop rassurant, pour qu’il angoisse bien une dernière fois avant de lire les mots qui comptent, merde à la fin, pas toujours les mêmes). Vous savez, celui qui ne trépignait pas derrière la porte ? Ca vous aurait bien porté sur les nerfs, ça. Mais bon, c’est peut-être la chance qu’ont les femmes : elles finissent par maîtriser, elles connaissent leur corps… et un homme ne comprendra sans doute jamais tout-à-fait ça. Petit pincement de coeur pour les prochains tests, et le mec qui attendra le résultat derrière la porte ou à côté du téléphone. Le pauvre. Les pauvres ? Finalement on s’en fout. On sait qu’il y en aura encore. On sourit à l’idée qu’un jour on craindra peut-être de ne pas être enceinte. Mais pour l’heure, on avale une gorgée de thé tiède, on glisse la mèche polissonne qui vous chatouille la nuque dans l’élastique de la queue de cheval, et on revient à la vie normale.

Ces jours-là je suis contente d’être une femme.

PS/message personnel : il y a des fois, on ne peut pas faire une note sans dire quelque chose que certaines personnes comprendront, et qui leur fera du mal, alors qu’on s’est donné de la peine pour éviter ça un peu plus tôt. A quoi me servirait ce blog si je ne parlais pas de ce dont il faut que j’épargne certains ?
La personne concernée peut m’appeler ce soir vers 21h, si elle veut.

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