Recyclage

27 août 2005 à 22:53

Ca fait bien longtemps que mes rêves ressemblent à des films. Ils bénéficient depuis environ une dizaine d’années de très jolis éclairages, d’histoires prenantes et de plans de camera extraordinaires. Je me fais souvent la réflexion que beaucoup de mes rêves feraient de formidables scenarios de films. Je suis sûre qu’on en a écrit des tas de bien moins consistants (et ce ne serait pas tellement plus éthéré que certains David Lynch…). J’ai même parfois la chance d’avoir une mini-série, sur plusieurs nuits. Et naturellement je me fais de temps à autres des rediffs, mais jamais sur les plus plaisants (comme les vraies rediffs, quoi). Mes rêves n’ont pas toujours été comme ça. Il y a eu une longue période pendant laquelle mes rêves étaient parfaitement fadasses et du plus haut linéaire. Et je ne parle même pas de mes cauchemars qui n’auraient même pas mérité l’appellation de série Z tant ils étaient convenus (effrayants, je ne le nie pas, mais parfaitement convenus). Bref mes rêves, c’est aujourd’hui de l’entertainment à 100%.

Je ne m’imagine pas ne pas rêver. Chaque matin je me souviens au moins de bribes de mes rêves, et parfois dans la journée d’autres éléments me reviennent. En tous cas la plupart du temps, je m’en souviens, ils sont devenus drôlement sympas et bien construits : normal, déformation de téléphage oblige.

Lorsque j’étais au collège, mon ex-meilleure amie et moi nous racontions nos rêves le matin en allant en cours. Nous essayions de les comprendre. Nous dénichions des ouvrages dans lesquels nous lisions des significations qui ne voulaient rien dire pour nous. Nous cherchions quelque chose dans nos rêves. Pendant toute cette époque et de temps à autres encore maintenant, je pensais que les miens avaient une certaine magie dans le sens où je les croyais prémonitoires : leur construction était si linéaire que ça semblait évident ; s’ils ne transcrivaient pas le passé, alors il ne restait que le futur. A l’heure actuelle je crois plutôt à une façon qu’a mon subconscient de me communiquer quelque chose de vital que je doive comprendre. En tous cas depuis cette époque et peut-être même un peu avant, je leur accorde une grande importance. Ca fait partie de ma vie intérieure que d’accorder quelques minutes en me levant ou en me couchant, à ces petits messages étranges.

Je n’ai jamais compris comment on peut ne pas rêver. Ou ne pas se souvenir, ce qui revient au même. Chose que mon ex m’avait apprise : on n’a visiblement pas tous les mêmes vies intérieures. Je l’ignorais il n’y a pas si longtemps. J’ai aussi appris que certains font des rêves particulièrement explicites, ce qui ne m’est jamais arrivé. Mes rêves, toujours très hollywoodiens, ne montrent jamais rien de trop sexuel, ils suggèrent, dans le meilleur des cas. Un peu comme lorsque deux personnages d’un film se retrouvent au lit, leurs lèvres prêtes à s’embras(s)er mais à quelques centimètres encore, et qu’on a immédiatement une ellipse temporelle qui nous conduit à l’irrémédiable allumage de cigarette post-coïtale. Bref, apparemment, mes rêves ne ressemblent à ceux d’aucun autre, quoi que jamais ça ne s’infirmera ni ne se confirmera, et pour cause.

Celui de la nuit dernière m’a beaucoup marquée. D’ordinaire je ne consacre qu’une minute ou deux au rêve de la veille, histoire de me rappeler de quoi ça cause, s’il se passait quelque chose qui mérite réflexion ou qui m’a particulièrement émue (comme ça m’est arrivé en janvier dernier) et point barre. Et puis une fois de temps en temps c’est vraiment marquant et je ne parviens pas à me détacher certaines images de la tête.

Nous étions une trentaine de filles. Une unité d’élite. Pourquoi que des filles ? Je l’ignore. Et encore moins pourquoi nos uniformes étaient rose fushia alors que ce n’est vraiment pas le type de couleurs dont je raffole. C’est un point de détail (quoique, dans les rêves, on ne sait jamais ce qui est détail…) Surentraînées. On attendait beaucoup de nous. Trente nanas prêtes à mourir. C’était ce dont j’étais consciente tout le long de ce rêve : la mort. Nous voilà en train d’embarquer dans notre navire spacial (un peu de SF, c’est bien connu, permet de merveilleuses métaphores, pas étonnant que les rêves soient friands de SF et de fantastique) avec des instructions claires : nous enfermer dans nos « capsules » (en réalité des sortes de placards, pas vraiment conçus pour l’hibernation, non plus qu’ils n’offraient de spéciale protection en fait, juste des caisons pour que nous nous rangions) et attendre d’arriver à un certain temps de vol avant d’en sortir et de nous battre. C’est une fois en phase de combat que les caissons se montraient réellement utiles : celles qui mourraient devaient aller s’y glisser et y finir leur vie. Et beaucoup d’entre nous mourraient, bien que je n’aie jamais vu l’ennemi, et que nous ne soyions jamais sorties de la navette (mais les rêves s’accomodent volontiers de l’absence d’explications).

Persistance du souvenir des caissons dans mon esprit depuis ce matin : tandis que mes camarades s’y glissaient afin d’y pousser leur dernier souffle, j’entends encore l’explication de notre supérieur nous expliquant que cet appareil récupère en fait nos restes biologiques pour les greffer éventuellement à celles d’entre nous qui seraient blessées. Recyclant ainsi notre sang, et surtout nos organes. Des viscères, des os, et du sang. Tout cela comme en train de fondre pour être redistribué, absorbé par le fond du coffre à taille humaine, ne laissant rien. Telle est la vision qui me hante depuis ce matin, dans l’écrin blanc et propre du caisson chirurgical.

Vision doublée d’une double sensation, qui était la mienne au moment du rêve et qui perdure encore lorsque l’image me revient : à la fois la peur (pas une impression de peur mais bien la peur elle-même, crispante et glaciale) et une sorte de sérénité assez difficile à décrire. Un soulagement à l’idée de mourir mais pas en vain. Que quelque chose survive : la cause. L’idée de faire le bien même en mourrant. C’est très déconcertant.

Chose plus étrange encore, la scène s’est reproduite trois fois. Comme en rembobinant le rêve pour mieux l’exécuter la fois suivante. Il ne s’est pas répété identiquement à chaque fois : je n’occupais pas forcément de capsule à la même place dans le navire, ou encore je ne me battais pas au même poste. Mais arrivée à un certain point de la bataille, l’histoire s’arrêtait et reprenait à son commencement : le moment exact de la fin de l’entraînement où on nous faisait monter dans le vaisseau impeccablement blanc en nous expliquant son fonctionnement. Puis nous montions, nous enfermions dans les capsules… etc.

Mais ce qui me déconcerte le plus, ce n’est pas tant d’avoir vu tout cela, non, beaucoup de mes rêves revêtent une certaine violence physique et/ou morale, et la répétitivité n’est pas si rare.

C’est surtout d’avoir eu cette image gravée dans mon cortex toute la journée, telle une expérience vivace et réelle : j’ai fini le rêve avec ce paisible sentiment mêlé d’horreur, les yeux rivés sur l’intérieur de mon caisson…

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