Ca fait cinq ans maintenant que cet épisode me traumatise.
La première fois que je l’ai vu, j’en ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Je l’ai trouvé terrifiant. La froideur avec laquelle l’histoire se termine. L’éloignement, palpable et dur. Et trois jours plus tard, mon petit ami de l’époque téléphonait pour rompre. Tout ce que j’avais reconnu dans l’épisode s’était concrétisé jusqu’au bout.
Depuis je sais très bien que cet épisode me fera pleurer. Pendant les deux années qui ont suivi, je pleurais pour une bonne moitié à cause de l’entremêlage entre fiction et réalité, parce que cet épisode, c’était un moment de mon histoire dont je ne m’étais pas détachée. Et puis ensuite, les années suivantes, je l’ai regardé comme un épisode qui fait pleurer.
J’ai une liste mentale des épisodes qui me font pleurer. Parce qu’il y a environ 10 ans, j’ai fait une monumentale découverte : pleurer devant un épisode, c’est bien. C’est meilleur que pleurer tout court. Je préfère me donner une raison de pleurer plutôt que d’avouer que j’en ai vraiment une. Et c’est tout aussi bien d’avoir une excuse, finalement. On peut pleurer devant autrui sans s’expliquer : c’est la faute des personnages, c’est la faute du scénario. Ca fait du bien d’avoir quelque chose qui brise la carapace. J’ai fait cette découverte et je l’ai trouvée non seulement pratique mais élégante. S’armer d’un paquet de kleenex, se lancer un épisode dont on sait qu’il va marcher, et se laisser aller quelques minutes. Et se sentir libérée, prête à repartir. Prête à réaffronter tout ce qui fait que, sans cet épisode, on aurait tout de même pleuré, sans doute dans le noir, sans doute dans le silence, sans doute en s’essuyant les joues dans un oreiller ou sur le ventre d’un ours en peluche anonyme. C’est pratique, c’est élégant, c’est libérateur…
Mais ce soir, j’ai été prise par surprise. Depuis combien de temps n’avais-je pas vu cet épisode ? Précisément celui-là, celui avec lequel j’ai cette sorte d’histoire ?
Parce que de tous les épisodes (et ils sont, tout au plus, une quinzaine) listés dans mon énumération mentale de parfaits ressorts dramatiques, celui-ci tranche parmi les autres : il n’y en a qu’un dans lequel je me sois jamais reconnue, de près ou de loin.
Et soudain, je regarde tranquillement la télé, papote avec un copain par mails, m’occupe de mon site, prépare mon week end festif… et cet épisode s’annonce. Je vois son titre, sur cet écran noir, et je me dis… « non ». Pas celui-là. Surtout pas. J’étais si joyeuse. Si légère ! Depuis combien de temps ne m’étais-je pas sentie comme cela ? Pas celui-là.
Mais plutôt que d’éteindre, j’ai cédé. Celui-là, c’est mon épisode. Alors je l’ai regardé. Et malgré toutes ses rediffusions, malgré le fait que je l’aie vu tant de fois en DVD, en VO, en VOSTT, en VF… je m’y reconnais une fois de plus et le regarde avec un oeil nouveau.
Parce que cette distance, cette froideur, ces dialogues, même : il y a un an j’étais en plein dedans. Et jamais les épais sourcils de Big ne m’ont semblé si familiers.
Et naturellement, à la fin, je suis en larmes. Complètement surprise par ce que j’ai vu. Par ce que j’ai encore ressenti. Je suis émue aux larmes par un épisode qui n’en finit pas d’être écrit pour moi.
Une fois que tout a été fini (vraiment tout), j’ai passé dix bonnes minutes à pleurer. Les larmes venaient de loin. J’ai réalisé que ça faisait des mois que je n’avais pas pleuré. Ni pour moi, ni sous le couvert d’une quelconque fiction. Plus du tout. Et que ça avait besoin de sortir. Et que j’avais tout retenu en moi, que malgré ce que je pensais, je n’allais pas mieux, je me distrayais juste l’esprit par d’autres pensées.
Je n’ai plus mal à cuase d’un il, j’ai mal à cause de tous les ils, j’ai mal à cause des souvenirs que j’avais tant bien que mal occultés. Avais-je tourné la page ou juste détourné le regard ? Je ne suis plus très sûre. Mais j’avais tellement besoin de pleurer…
Mais dans le fond, j’aurais pu l’éteindre, cette télévision, non ? Je pourrais le reste du temps ne pas mettre en route d’épisode de ma liste. Je pourrais décider d’oublier ma liste. Faire comme tous ces gens qui s’arrangent pour ne pas penser à ce qui leur fait mal.
Moi aussi, j’ai la douleur exquise, quelque part…