Défi

26 novembre 2004 à 5:16

Je n’arrive pas à dormir.

Chaque fois que j’essaye, je finis en larmes sur mon oreiller… une situation que je ne connais que trop bien. Pendant une heure, je suis plus ou moins calme, et puis… patatras. Comme là. Le temps d’allumer l’ordi, d’ouvrir la bonne fenêtre, et me voilà repartie pour un tour. Mon conseil : ne pleurez pas pendant que vous avez une otite, ça ravive la douleur.

J’en vois déjà, dans le fond, qui se lamentent : elle va encore nous resservir son pathos habituel : Lord T, les parents… Bah vous savez quoi ? Ouais, carrément. Je vois même pas comment je pourrais penser à autre chose en fait. Après, en avril dernier, avoir décidé que 22 ans de souffrance parentale, c’étaient 22 ans de trop, me voilà pas vraiment plus heureuse aujourd’hui, alors, je vous le demande : de quoi suis-je sensée me réjouir ? Par quoi mon esprit devrait-il être occupé ? Des enfants nés sous X passent leur vie à chercher leurs parents avant de comprendre que ce sera impossible, et moi je n’ai même pas droit à 1 an de deuil pour me défaire des miens ? Certaines personnes passent leur vie à pleurer un cher disparu, et moi je serais limitée à 6 mois pour pleurer Lord T, l’homme auprès de qui je me suis construite ces 5 dernières années, l’homme avec qui je voulais faire ma vie ? Merde alors, si ces thèmes ne vous conviennent pas, allez lire ailleurs si j’y suis.

[je pleure encore]

Eh oui, j’ai mal, ne vous en déplaise, si ça fait presque 23 ans que c’est comme ça, croyez-moi, vous pouvez supporter la lecture d’un malheureux blog pendant quelques minutes. Et si vous n’êtes pas taillé pour, ne me demandez pas de changer, ne me demandez pas de parler d’autre chose, passez simplement votre chemin et oubliez-moi : voilà qui est particulièrement tendance. Mais songez que moi je n’ai pas le choix.

[et c’est reparti]

Ca y est, l’écrémage est fait ? Ne lisent à présent que ceux qui y mettent de la bonne volonté ? Parce que les propos durs, cyniques, désobligeants, je peux me les pondre moi-même, je vous rassure, et si jamais j’étais en panne d’inspiration croyez-moi j’ai dans mon arbre généalogique tout ce qu’il faut pour pallier à ce manque. Vu ? Out, les esprits chagrins prêts à me raconter ce que j’ai déjà entendu : qu’il y a pire, qu’il y a plus douloureux, que ce n’est pas perdu, que c’est toujours la même chose, etc… Mettez-vous donc à ma place et on en reparle. Ah, ya moins de volontaires, hein…

[vous croyez qu’à un moment je vais tomber en panne sèche ?]

Je pense au déménagement, bêtement. Je pense qu’une fois partie il ne me parlera plus jamais. Oh, il a bien ménagé la chèvre et le chou, comme d’habitude, sur l’air de « qui peut dire ce que je voudrai quand j’irai mieux ? » (nan sans blague, et moi , que je veux, ça entre en ligne de compte à quel moment ???) mais dans le fond j’ai saisi la technique : faire comme di je n’avais existé et bordel, il est très fort à ce jeu-là. Plus jamais je ne lirai une blague qui lui plait, plus jamais je ne lui enregistrerai une émission qui l’intéresse, plus jamais les soirées à rire devant une série (en ce moment on se fait la saison 6 de Sex & the City, moooon Dieu, je pensais ne plus jamais le voir rire comme ça avec moi), tout ça, ce sera fini. A jamais. Si l’éternité est une notion que vous arrivez à effleurer mentalement, voilà la durée de mon exil loin de mon Lord T, l’ami de toujours (sauf depuis 6 mois, quoi…)

[quand yen a plus…]

Vous savez, je repensais au jour même du déménagement. Comment vais-je réussir à ne pas exploser en sanglots ? Comment retenir ma douleur ? Ce seront des adieux et devant sa mère, je suis certaine qu’ils seront escamotés. Par-dessus le marché ! Il va se vouloir froid et distant (même s’il essaye de ne pas se souvenir que jusque très récemment, bien moins que depuis la rupture, il s’est encore confié à moi sur ses fragilités) et me faire un vague au revoir du bout des doigts, comme si j’avais toujours été étrangère, comme s’il y a un peu plus d’un an il ne m’avait pas regardée droit dans les prunelles en me disant, les yeux humides « pour la première fois jem e sens en vie », comme s’il n’avait pas pleuré entre mes bras, comme s’il n’avait jamais dit « pour la première fois j’envisage de passer ma vie avec quelqu’un », il me regardera froidement de peur de sembler faillible auprès de son rocher de mère, il me repoussera et c’en sera fini.

[…yen a encore]

Mon Dieu, ce jour-là, ce jour-là précisément vous voyez, ce jour-là j’aurai tout perdu. Et je ne fais rien pour le reculer ou le retarder, mais je dois dire que je n’ai aucune raison de tout faire pour l’accélérer. Ce jour-là je n’aurai plus rien en ce monde, ce soir-là je sais très bien quelle question je vais me poser. Parce qu’elle tourne déjà pas mal en boucle dans ma tête et, oh, des âmes bien intentionnées (et je les en remercie) tentent de me détourner de ce genre de considérations, mais, vous savez quoi ? Quand on a tout perdu on ne sait plus trop pourquoi mener ce combat-là. Surtout quand on l’a déjà mené une fois et qu’on a vu le résultat.

Vous savez, quand je repense à cette époque, je songe immédiatement que Lord T m’a plaquée le lendemain de l’anniversaire de ma tentative de suicide. Ca faisait trois ans. Je pensais ne plus en repasser par là. J’avais tout fait pour. Mais voilà : il n’y suffit pas de bonne volonté, il faut que le monde tourne dans le bon sens. Le jour où il m’a plaquée, mon réflexe a été de me saisir d’une arme blanche mais, je l’ai reposée parce que, vous savez quoi ? Je ne voulais pas mourir. Je croyais que ça allait s’arranger. Qu’il suffisait de…

Oh merde, je bernais qui ? Il y a trois ans et demi que ça ne s’arrange pas, je dirais même que ça ne va qu’empirant, alors, non, désolée, je ne me vois pas livrer ce combat au quotidien au nom d’une amélioration qu’on m’avait déjà promise il y a trois ans et demi. Ces voix si affables (et Lord T en était), qui vous opposent comme arguments que « et nous qu’est-ce qu’on devient ? », « mais tu vas pas faire ça la vie est belle », ou encore « mais ça va s’arranger, tu as touché le fond tu ne peux que remonter ». La preuve par l’exemple : ça peut toujours descendre plus bas. Merde alors, à part des raisons égoïstes, je me trouvais face à des arguments qui se rapportaient à dire « ne le fais pas parce qu’il ne faut pas ». Ouais, il ne faudrait pas non plus qu’en 22 ans j’y ai pensé autant. Et vous savez quoi ? La dernière fois, je les ai crus. Je les ai réellement crus. Il m’ont dit que ça allait s’arranger, mais ça a été à moi de tout arranger. J’ai du me demmerder pour trouver ce putain de BTS, et pendant les premiers mois mon patron était ignoble mais les bonnes âmes continuaient de répéter que « ça allait s’arranger », alors j’ai fait des pieds et des mains pour changer de boulot et à ce moment-là c’était ma vie privée qui était horrible et tout le monde m’a dit « tiens bon, ça ne durera pas, tu ne peux pas abandonner maintenant », alors j’ai pas lâché, j’ai continué, j’ai travaillé des heures et des heures et des heures, et sur mes dossiers des heures et des heures et des heures, j’ai décroché mon BTS, je me suis fait une santé, j’ai commencé à resourire, à penser que la vie pouvait être bien pour moi, et quoi ? Ca n’a fait que devenir de plus en plus dur alors, qu’un seul d’entre vous me regarde dans le blog des yeux et me soutienne mordicus que, oui, ça va s’arranger. Je vous défie de venir me voir et me dire que ça va s’arranger. Qu’il suffit de. Que je vais. Que forcément. Oh oui, s’il vous plaît, juste un qui vienne me dire que ça pourrait être pire.

[rappel]

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