Du plus loin que je remonte, j’ai toujours mis mon audition à rude contribution pour m’aider dans la vie. Chez mes parents, cela consistait à lister tous les bruits de la maison (quel craquement correspondait à quoi) et d’établir une sorte de carte auditive de la maison. De cette façon, j’étais immédiatement avertie de la présence de mes parents, de leur vitesse de déplacement, direction, etc… Quand au milieu du silence, j’entendais un certain bruit, je pense même que certaines zones de mon cerveau s’étaient auto-conditionnées : mon oreille gauche (toujours celle-là, j’ai remarqué) tressaillait, et, réflexe conditionné, mon regard balayait la pièce pour voir si rien de répréhensible n’était en vue (crayon, peinture, dessin, livres, jeux, …). Une réaction pavlovienne que j’ai rétrouvée récemment alors que le lit a eu un discret mais net craquement dans la chambre de Lord T l’autre soir. Comme témoin de ma propre peur, j’ai senti l’oreille gauche fébrilement se dresser, vu mes yeux scanner la pièce et ai même ressenti le soulagement que rien ne pouvait m’être reproché. Là, j’ai compris : MA limite avait été franchie. Merci ma chère oreille pour cet indicateur si précis de ma peur.
Jusque très tard, je n’ai pas écouté de musique. Ca semble tellement incroyable à présent que je ne sais passer une journée sans ma chère Jpop ! Mes parents ont acquis un lecteur CD environ 5 ans après tout le monde, et comme je n’avais de toutes façons pas le droit de sortir, les achats de CD ne se sont pas envolés après cette acquisition. Le lecteur CD était de toutes façons sous clés. Je me revois, un soir, occupée à écouter un CD qu’une amie compatissante m’avait prêté, l’oreille collée contre l’appareil pour ne pas avoir à monter le son, entendre la grille d’entrée s’ouvrir et bondir pour refermer le meuble. Pendant plus d’un an, le seul CD que nous avions était un maxi single reçu gratuitement, d’un artiste inconnu (il l’est encore). Il a trôné fièrement dans la cuisine en attendant l’acquisition tant attendue. Le lecteur CD n’a rien révolutionné chez nous, la musique avait toujours du mal à se faire sa place. Tout juste si pendant le petit déjeuner, certains dimanches, mon père mettait la radio. C’est ainsi que j’ai, véritablement, entendu mes premières chansons : les titres les plus bateaux et les plus commerciaux du moment. Ce n’est en vérité qu’une fois que j’ai déménagé pour Paris, seule (bien que l’appartement appartienne à mes parents), que j’ai pu choisir un peu mieux ce que j’écoutais. Pour finir, avoir économisé pour mon ordinateur est ce que j’ai fait de mieux pour mon goût musical.
Je repense à ça parce que, frappée depuis hier par une virulente otite (la 6e en un an), je me dis que je commence à peine à comprendre ce que mon oreille peut m’offrir de bon… et que je n’ai pas envie de perdre l’ouïe si tôt. Peut-être que je dramatise, mais parfois il vaut mieux se rendre compte de ce qu’on risque de regretter avant de l’avoir perdu…
PS : au son de toute ma playlist Jpop : faut pas s’priver !