Le retour de l’Homme sans Visage

18 octobre 2004 à 17:11

Me revoilà à retomber dans les bras de l’Homme sans Visage. Me réfugier dans ses bras. Lui et moi avons une longue histoire, plus longue qu’avec Lord T. Il est celui avec lequel j’ai été pendant et après chaque déconvenue sentimentale, de la plus bégnine à la plus carabinée.

Et pourtant, je le déteste : chaque fois qu’il apparaît c’est parce que j’ai besoin de quelqu’un, pas parce que j’en ai envie. C’est parce que personne de réel ne m’offre ce que je lui demande à lui… et qu’il est incapable de me le donner, je le sais. Il meuble juste mes soirées en entretenant mes rêves de bonheur, sans jamais les concrétiser.

Parce qu’il est temps de vous le dire : le soir, je « joue ». C’est un terme que j’ai fixé il y a une douzaine d’années environ quand mes parents ont cessé de venir me dire bonsoir gentiment et que plus personne ne me disait de belles choses avant de dormir. Et vous pouvez me croire, plus encore que n’importe qui d’autre, j’avais besoin d’entendre de jolies paroles avant de m’endormir, histoire de me réconforter sur les beautés de la vie. Puisque mes parents ne le faisaient plus, j’ai donc dû m’en charger moi-même.

Me voilà donc, depuis environ 12 ans, presque tous les soirs, à entretenir ma vie extérieure du lendemain grâce à la vie intérieure du soir.

J’en suis venue à adopter une sorte de double-vie, à certaines périodes de ma vie. Le jour, la vie réelle, rarement joyeuse, et le soir, ma vie rêvée, idéale et blessante, forcément. J’ai souvent été tentée de donner un nom à l’Homme sans Visage, en lui attribuant l’identité de personnes rencontrées lors de mes jours. La nuit ils s’occupaient de moi. La plupart du temps, je me projetais dans un avenir incroyablement ravissant. Se faire des films ? Moi je jouais dedans. Dans mon propre rôle, et jamais ingrat je vous prie de le croire.

Quand les choses vont au mieux, je n’ai pas de temps pour l’Homme sans Visage. En général, à la lumière du jour, un homme porte un nom pendant cette période. Mais quand les choses vont mal, je reviens vers lui. Et je l’en déteste pour ça. Le seul fait qu’il existe est une trahison immense. Le seul fait de rêver de lui, d’imaginer une vie heureuse, loin de celle que je mène aujourd’hui, est une attaque personnelle : une façon que j’ai de me dire à moi-même « ta vie est nulle et le seul qui sache t’apaiser n’existe qu’une fois tes paupières fermées ».

Je le hais parce qu’il me montre à quel point je hais ma vie quand je voudrais la mordre à pleines dents… mais j’ai la mâchoire à nu, les gencives en sang, je ne peux même pas la prendre avec une paille cette fichue vie !

Je rêve à la fois de gens de ma vie, de retrouver mes chats expatriés chez les parents de Lord T, avoir un toit au-dessus de ma tête où je n’aie plus peur, d’avoir un rythme de vie, des moyens de me payer sans angoisse quelques petites choses, ne plus avoir honte sitôt que je passe par la librairie ou la FNAC. Je veux avoir une vie normale !

Il est loin le temps où l’Homme sans Visage et moi envisagions de conquérir Hollywood : lui avec son charme, moi avec mes scénarios ! Tout ce dont je rêve aujourd’hui, c’est d’une vie banale au possible, mais stable, par pitié, stable. Où soudain l’Homme sans Visage s’évaporerait dans un recoin de ma chambre.

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