Dans quelles conditions peut-on se permettre de courber l’échine et de s’incliner devant quelqu’un sans mettre en péril son honneur et sa dignité ? Faire son mea culpa, c’est forcément abdiquer un peu de pouvoir ? Où se situe la différence entre perdre une bataille et perdre une guerre ?
J’ai du mal à discerner ce que je suis sensée faire. Ma situation est tellement pathétique que ça en devient grotesque. Accumulerai-je tous les clichés d’un Dickens toute ma vie ?! Ce serait bien qu’à un moment, comme tant de gens me le promettent depuis des années, cette douleur prenne un sens et se transforme en récompense. Mais apparemment, je dois gagner jusqu’à ce qui me semble dû : la Paix.
La période n’est pas facile. Je perds goût à tout. Je suis en larme, je dors, et j’écoute de la musique : c’est à peu près tout ce que je suis capable de faire. Si je ne me connaissais pas je dirais que je suis en dépression. Attendez ? Ah non c’en est une. Je n’aurai pas l’audace d’affirmer que ce seul appel m’a valu cet état. C’était de loin antérieur à cela, mais j’ai clairement replongé depuis (être malade n’aide pas, naturellement). Subir les changements d’humeur et d’envies de Lord T (rarement en adéquation avec les miennes) ne me facilite pas la tâche.
Je merends compte à quel point l’orgueil me domine à présent, chose que je n’avais pas remarquée plus tôt. Ne pas perdre la face est de la plus haute importance. En même temps, j’ai vaguement conscience que montrer une partie trop exposée et faible de moi à mes parents serait comme de dévoiler une plaie sanglante à une bête affamée : c’est s’assurer qu’ils se jetteront sur vous sans rien laisser.
Je ne veux pas revenir et dire : je me suis plantée. Parce que tout le monde a de sales phases, tout le monde passe par le chômage, tout le monde a des peines de coeur, et si tout cela est tombé en même temps pour moi, ce n’est tout de même pas de mon ressort. Certes, j’ai fait des choix contestables (il n’y a que ceux qui ne décident de rien qui ne font jamais de mauvais choix) mais je ne peux pas être tenue responsable de ma malchance, si ? J’ai fait des erreurs mais elles ne sont pas à elles seules coupables de mon échec. Donc, en fait, on ne peut pas parler d’échec, pas vraiment.
Alors pas question de demander pardon ou quoi que ce soit de ce genre. J’avais raison de tenter de m’en sortir, raison de faire ce qui me semblait, et me semble encore d’une façon générale, juste et bon.
Mais alors pourquoi ai-je l’impression qu’il faudra pour rentrer en grâce et obtenir l’aide tant nécessaire, faire une mea culpa que je considère comme hors de propos ?
En fait la question est la suivante : jusqu’où peut-on aller pour s’assurer la survie ? De quelles bassesses est-on capable pour garder un avenir, fut-il indigne et méprisable ?