Aujourd’hui, je me suis motivée pour tenter une série que je n’avais même pas trouvé le temps de cagouler jusque là, non parce qu’elle me semblait repoussante (je ne la connaissais pas assez pour ça) mais tout simplement parce qu’elle était passée sous mon radar. Je savais pourtant qu’on y trouvait Kyle MacLachlan mais j’ai passé tout l’été à l’oublier aussi vite que je le lisais ! Bon, maintenant que je m’y suis mise, prêts pour la review de Made in Jersey ?
C’est sûr de sûr ? Il n’y a pas d’erreur ? Made in Jersey est une série diffusée par CBS, pas The CW ? Nan mais je dis ça, on sait pas, il y a peut-être eu méprise, les chaînes concernées n’ont peut-être pas remarqué, ça vaut la peine de poser la question, juste pour vérifier. Non ? Ah. Bon. Si vous le dites.
Avec son héroïne passionnée, idéaliste, et à la crinière vaporeuse, Made in Jersey aurait été un bon petit legal drama pour adolescentes. A la différence qu’un legal drama pour adolescentes, apparemment ça ne se fait pas (mais après tout, il y a bien un « romantic whodunit » maintenant, alors tout est possible). Probablement que les adolescentes font mieux de continuer de toutes rêver qu’elles deviendront des pop stars, ah non, on va pas les encourager à se captiver pour le métier d’avocate, ça fait pas vendre des CD.
Il n’empêche. Rarement ces dernières années CBS aura autant tenté de produire un drama aussi accessible au jeune public. Ou, selon les points de vue, un peu trop simplet pour son public âgé habituel. Vous savez ? Celui qui regarde The Good Wife et qui attend quelque chose de solide d’une série judiciaire… Non, Made in Jersey n’est clairement pas pour ce public-là.
Je dis souvent que le seul impératif pour un legal drama, c’est l’intelligence. C’est un genre où on ne peut pas s’autoriser la bêtise ou la flemme ; il n’est pas nécessaire d’opter pour la gravité à la The Practice pour faire une bonne série d’avocats, une série comme Suits en est régulièrement la preuve, mais enfin, il faut un minimum avoir les reins et la plume solide pour s’aventurer sur ce terrain.
A ce critère, Made in Jersey parvient à répondre… in extremis. Avec quelques répliques plutôt bien senties, la série parvient à se hisser de justesse au-dessus de la moyenne. Ca n’arrive pas dans toutes les scènes, mais quand ça se produit, ça n’est pas désagréable : le pilote a une répartie décente. Mais en-dehors de quelques lignes de dialogues bien troussées et énergiques, le pilote se paye quand même le luxe d’une intrigue extrêmement prévisible, et d’une scène au tribunal un peu pauvre en matière d’argumentation ou d’interrogatoire de témoin. Dans cet épisode inaugural (et je ne m’avance pas trop en prédisant que ce sera le cas de la série), il ne s’agit certainement pas de tordre des concepts de loi, des notions abstraites, ni même le langage, pour parvenir à ses fins, mais simplement de réussir à placer des éléments de preuve lors du procès, pour réussir à obtenir un verdict favorable. En matière de démonstration d’intelligence aigue, on peut donc toujours se brosser, et Made in Jersey ne sera pas l’objet d’acrobaties verbales époustouflantes, c’est clair. David E. Kelley m’a trop gâtée, aussi, voilà la vérité.
De toute façon, peu de séries légales, en-dehors de la franchise de Dick Wolf, se permettent à l’heure actuelle de faire un exercice périlleux en matière de plaidoirie, ou d’exploiter un conflit moral ; comme les flics, les avocats sont plus souvent un moyen qu’autre chose. Dans Made in Jersey, l’héroïne défend une pauvre fille victime de tout : les circonstances, les avocats qui ne croient pas en elle… sa mère est même frappée par une maladie incurable ! Dans cette situation, l’avocate n’a pas à se poser de question sur la nature de son travail : celui-ci consiste uniquement à faire éclater la vérité, pas à admettre la complexité du système. Et la vérité, ce sont les preuves. Alors elle cherche des preuves. Et, comme c’est un procedural, elle les trouve en moins de 45 minutes. Ce sont les règles du jeu.
Mais, vous savez quoi ? C’est un défaut que j’avais trouvé au pilote de The Good Wife… Eh oui ! J’avais failli ne pas continuer la série à cause de cette première intrigue pendant laquelle Alicia et Kalinda, de façon fort pratique, trouvent tous les éléments dont elles ont besoin au moment où elles en ont besoin, et où ce sont les preuves qui sauvent le client, pas les compétences devant la cour (elle est marrante à relire, d’ailleurs, cette review). C’est exactement ce qui se produit dans le pilote de Made in Jersey, où, comme souvent dans des séries légales modernes, l’avocate fait en réalité un travail d’enquête et parvient à trouver les preuves qui disculperont le client (ou inculperont quelqu’un d’autre). Comment en vouloir à Made in Jersey de pêcher par le même acte de paresse que l’intrigue juridique du pilote de The Good Wife ? Parfois, on a de bonnes surprises, la preuve.
Mais je cherche à berner qui ? Made in Jersey n’a pas le potentiel pour offrir de grosses surprises. Ce n’est même pas dans ses ambitions !
Tout simplement parce que, là où The Good Wife avait l’intrigue personnelle d’Alicia Florrick, rejointe par une intrigue politico-médiatique, Made in Jersey n’a que des clichés sur les femmes du New Jersey (certes partiellement démonté par l’héroïne à un moment du pilote), et une famille nombreuse donc chaleureuse, à montrer comme contraste avec le froid New York, et c’est forcément un peu léger. Bon, à la rigueur, il y a peut-être cette histoire d’étoile en strass qui pique vaguement la curiosité, et encore.
En réalité, Made in Jersey n’est pas une série ratée. C’est un petit legal drama sans conséquence qu’on va regarder comme ça, quand on a envie de se mater un truc pas trop chiant mais qu’on n’est pas désespéré au point de regarder The Neiggbors. Et au bout de quelques épisodes, ou une saison (si elle vit aussi longtemps), on aura arrêté de la regarder : non parce qu’elle déplait, mais tout simplement parce que d’une semaine à l’autre, d’une saison sur l’autre, on l’aura oubliée.
Quand on se trouve devant Made in Jersey, on n’est pas vraiment mécontent : le personnage est vif, pas trop irritant, inspire pas mal de choses positives de par son tempérament dynamique, et la plupart des personnages ne sont pas antipathiques, ni même totalement unidimensionnels. Mais il n’y a à ce stade pas grand’chose qu’on puisse dire de Made in Jersey qui la fasse entrer dans le panthéon personnel d’un téléphage, de la même façon que, par exemple, Fairly Legal n’est pas mauvaise quand on la regarde, mais on ne s’y attache pas vraiment. Objectivement plutôt irréprochable, mais inconséquente.
On peut sans honte la regarder le temps qu’elle sera diffusée… encore faudra-t-il y penser. Les plus motivés d’entre nous se mettront un post-it, peut-être.
Non, vraiment, on ne peut rien reprocher à Made in Jersey : impossible de garder cette série en tête suffisamment longtemps pour ça.
PS : en fait c’est quoi l’histoire avec Stephanie March, elle a raté son entrée au Barreau et elle s’est dit qu’interpréter des juristes à l’écran compenserait ?
Eh bien, on tombe d’accord une fois de plus ! Tu as très bien résumé la chose : ça se regarde sans déplaisir, mais c’est vraiment tout ce qu’il y a de plus anecdotique ! C’est le genre de série que tu regardes quand il n’y a que des rediffs ou des daubes avérées sur les autres chaînes. Du coup, l’annulation n’est pas franchement décevante, même si d’autres méritaient de mordre la poussière avant (Animal Practice, Guys with Kids, I’m looking at you…).
Pour ma part, je n’ai même pas tenté de la mesurer à The Good Wife, tellement elles ne jouent pas dans la même cour.